Le secteur pétrolier libyen est sur la sellette après les affrontements qui ont eu lieu à Tripoli le 17 mai à la suite de la tentative ratée du Premier ministre du gouvernement de stabilité nationale, Fathi Bashagha, de prendre le contrôle de la capitale de la Libye, ont déclaré des sources industrielles à S&P Global Commodity Insights.
Le secteur pétrolier de Libye est inquiet
Cette situation survient alors que la production libyenne de brut stagne à environ 800 000 b/j. Ceci en raison d’une série de blocages des principaux terminaux et infrastructures pétrolières et de l’intensification des tensions entre les deux gouvernements rivaux de la Libye.
Le Premier ministre du gouvernement d’unité nationale, Abdul Hamid Dbeibah, a refusé de céder le pouvoir après l’élection de Fathi Bashagha par la Chambre des représentants, basée dans l’est du pays, en février. M. Dbeibah déclare qu’il ne démissionnerait pas tant qu’un gouvernement élu ne serait pas porté au pouvoir.
Ainsi, près d’un tiers de la production pétrolière libyenne est toujours hors service. L’épineuse question de la répartition des revenus pétroliers refait surface entre les gouvernements de l’est et de l’ouest du pays.
Désaccord sur les revenus pétroliers
Selon Iliasse Sdiqui, directeur associé chez Whispering Bell, une société de gestion des risques couvrant l’Afrique du Nord, le secteur pétrolier libyen restera dans un état d’incertitude permanente au cours du second semestre 2022. Car le dernier blocus pétrolier est directement lié à la lutte pour le pouvoir entre le GNU et le GNS.
« Il sera difficile de parvenir à une production et à des exportations de pétrole stables. Malgré les espoirs des États-Unis de voir la Libye atténuer les préoccupations mondiales en matière d’approvisionnement dues au conflit en Ukraine. »
Iliasse Sdiqui ajoute :
« Les États-Unis sont favorables à un mécanisme dirigé par la Libye pour contrôler les revenus pétroliers. Toutefois, il est peu probable qu’un tel mécanisme reçoive une approbation unanime étant donné le contexte politique polarisé actuel. »
En outre, l’entreprise publique National Oil Corporation cherche actuellement à mettre en place un mécanisme de gestion des revenus pétroliers avec le gouvernement de Bashagha et le GNU. Ceci avec l’aide du gouvernement américain.
Le 14 mai, l’ambassade des États-Unis en Libye a déclaré qu’elle soutenait pleinement le gel temporaire des revenus pétroliers sur le compte de la NOC à la Libyan Foreign Bank. Cependant, la société d’État n’a pas encore pris cette mesure.
Perturbations probables
Les analystes de S&P Global s’attendent à ce que l’offre de brut libyen en mai reste légèrement supérieure à 800 000 b/j. Toutefois, les disputes sur les revenus pétroliers entre les deux gouvernements et les perturbations sur les champs et terminaux rendent la situation incertaine en Libye.
Les exportations de brut des terminaux de Brega (90 000 b/j), Zueitina (90 000 b/j) et Mellitah (70 000 b/j) restent en situation de force majeure. Tandis que la production du plus grand champ pétrolier du pays, Sharara, reste faible (~80 000 b/j). Ce qui a un impact sur le flux du port de Zawiya (250 000 b/j), selon les sources. La NOC avait déclaré un cas de force majeure sur ces exportations au début du mois de mai.
Ce blocus a été effectué par les forces loyales à l’Armée nationale libyenne autoproclamée, qui soutient actuellement Bashagha.
Selon M. Sdiqui, le dernier échec de M. Bashagha à établir une présence permanente à Tripoli pèse sur ses relations avec le chef de la LNA, Khalifa Haftar. Il ajoute :
« Cela renforce à son tour l’utilité du blocus pétrolier, rendant moins probable une reprise de la production dans les prochaines semaines. Si le blocus a jusqu’à présent aidé le GNS à exercer une pression sur le gouvernement de Tripoli, il peut maintenant être utilisé par Khalifa Haftar de la LNA. Ceci afin de renforcer sa position alors que les perspectives du GNS s’amenuisent. »
Le secteur pétrolier de Libye est ravagé depuis plus d’une décennie
Par ailleurs, de nombreuses institutions du pays se sont régulièrement affrontées sur des questions liées au secteur pétrolier. La guerre civile, l’agitation militante et les attaques terroristes ravagent l’industrie des hydrocarbures.
Les parties orientales et occidentales du pays se sont régulièrement affrontées sur la répartition des revenus pétroliers. Ce différend a été l’une des principales raisons du blocus des installations pétrolières par l’Armée nationale libyenne en 2020. Il a duré huit mois et a fait chuter la production de brut à moins de 200 000 b/j.
La Libye détient les plus grandes réserves prouvées de pétrole d’Afrique. Ses principaux bruts d’exportation Sharara et Es Sider ont un rendement élevé en distillats moyens et en essence. Ainsi, cela les rend populaires auprès des raffineries d’Europe et de Chine.