En Europe, alors que les années 2010 n’étaient marquées que par quelques projets anecdotiques, la décennie 2020 semble porteuse d’un vent nouveau.
Depuis 2 ans, le déploiement des technologies de captage, stockage et réutilisation du CO2 (CCUS) connaissent une croissance phénoménale.
L’Europe développe plus de 76 projets
En Europe, 76 projets sont actifs à travers 16 pays de l’Union Européenne. En l’état, le vieux continent sera capable de stocker plus de 50 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) par an en 2030. Un véritable boom initié en pleine pandémie.
De nombreuses coopérations naissent entre des gouvernements et des industries pour rendre les législations plus attractives dans le domaine. Les Pays-Bas, le Royaume et la Norvège sont aujourd’hui les leaders européens en la matière.
La Norvège en tête
La Norvège fait tout particulièrement figure de locomotive pour toute l’Europe avec le projet Nothern lights. Une initiative du gouvernement qui ambitionne de créer une chaine logistique complète pour la capture et le stockage de CO2.
À terme, les industrielles pourront séquestrer leurs émissions de carbone dans le plancher océanique norvégien via le réseau déployé. Ce projet auquel participent TotalEnergies et Shell a été voté le 15 décembre 2021 par le parlement Norvégien et sera opérationnel en 2024.
Pour beaucoup d’experts, Nothern Lights est le début d’une étape majeure de la décarbonation.
Contexte porteur pour le stockage de CO2
Les raisons de cet engouement en Europe sont multiples. Pour les États, il s’agit d’un pas supplémentaire vers la neutralité. Pour les industriels, il s’agit d’une innovation pour décarboner des secteurs ou les technologies électriques sont pour l’instant inadaptées.
Par exemple, le leader de la sidérurgie Arcelor Mittal est particulièrement en pointe sur ces questions. Son site de Dunkerque prévoit ainsi de développer une capacité de captation de 10MtCO2/an dès 2035. Et ce, avec un coût de stockage de €30 par tonne.
Le CCUS permet l’hydrogène décarboné
Le moteur de développement du stockage est la filière hydrogène. Le développement des technologies hydrogène est aujourd’hui le domaine le plus dynamique de la transition énergétique en Europe. La promesse de rendement équivalant aux hydrocarbures sans émissions motive les investisseurs privés et publics.
Cependant, la production à grande échelle passera inévitablement par une phase transitoire émettrice en CO2. La captation de ces émissions est donc essentielle afin de rester en cohérence avec les contraintes environnementales de l’Europe.
Il existe donc une vraie synergie entre l’hydrogène et le captage du CO2 pour porter la décarbonation des économies. L’un ne pouvant aller sans l’autre dans la stratégie de transition actuelle de l’Europe.
Par conséquent, le boom actuel de l’hydrogène s’accompagnera inévitablement du boom des techniques de CCUS. Celles-ci permettent en effet de produire de l’hydrogène décarboné à partir de gaz naturel en captant et stockant les rejets carbonés.
Mais de multiples barrières règlementaires et financières
Mais si malgré cette effervescence l’Europe est appelée à s’impliquer, c’est en raison des nombreuses barrières financières. En effet, la mise en place de cette chaine de valeur nécessite encore un développement initial considérable.
Les technologies sont encore loin d’être optimales. Des infrastructures importantes sont nécessaires et des verrous réglementaires persistent. Actuellement, seuls les États et le fond européen pour l’innovation fournissent un soutien aux industries. Ce qui reste insuffisant.
De plus, la nature des projets et des financements en Europe est très hétérogène. L’objectif de l’UE est donc d’harmoniser et créer un environnement favorable pour inciter les investissements.
Objectif 50 millions de tonnes de CO2 captées et stockées par an
La première étape annoncée cette semaine par l’Union est la création d’une certification et de modalités de contrôle des systèmes d’absorption. Parallèlement, des objectifs globaux de 50MtCO2 capturées par an vont être imposés en Europe à partir de 2030.
À terme, les émissions stockées pourraient être intégrées aux marchés des crédits carbone afin de financer des projets de captation. Un système particulièrement intéressant pour le secteur agricole et d’autres industries difficiles à décarboner sans captation du CO2.
Si les premières ébauches de réglementation européenne semblent modestes, ces mesures sont amenées à fortement dynamiser le secteur dans les années à venir.
Critiques et incertitudes
Si cette politique laisse espérer la banalisation des dispositifs de capture et de recyclage du carbone, certains dénoncent une forme d’hypocrisie. Des associations craignent en effet que cette incitation à stocker le carbone n’ébranle la politique de réduction des émissions.
De plus, l’intégration du carbone stocké sur les marchés financiers pourrait mener à des pratiques spéculatives contreproductives. Dans la continuité, cette incitation au stockage pourrait ralentir la transition des industries déjà en retard dans leur transformation écologique.
Mais pour l’UE, ces dispositions visent avant tout à l’émancipation des technologies de captation et de stockage. Ce faisant, les barrières financières se réduiront pour la recherche, les infrastructures et la gestion opérationnelle.