L’Éthiopie a officiellement mis en service le Grand barrage de la Renaissance (Grand Ethiopian Renaissance Dam – GERD), situé sur le Nil Bleu, après quatorze années de travaux. Cet ouvrage hydraulique est le plus grand jamais construit sur le continent africain. Lancé en 2011, il a mobilisé un investissement de USD4bn et a été réalisé par l’entreprise italienne Webuild.
Avec une hauteur de 170 mètres et une largeur proche de deux kilomètres, le barrage dispose d’une capacité de stockage de 74 milliards de mètres cubes d’eau. Plusieurs turbines sont déjà en fonctionnement depuis 2022. La puissance attendue atteint 5 150 mégawatts (MW), ce qui représente plus du double de la capacité actuelle de production d’électricité de l’Éthiopie.
Objectif : connecter des millions de foyers
Le projet est présenté par les autorités comme une avancée stratégique pour l’accès à l’électricité. Environ 45 % des 130 millions d’habitants du pays ne sont pas raccordés au réseau. Le GERD devrait permettre d’alimenter entre 30 et 40 millions de personnes, selon les estimations communiquées par l’entreprise en charge de sa construction. Le Premier ministre a également évoqué un potentiel de recettes annuelles estimé à USD1bn grâce à l’exportation d’électricité vers les pays voisins.
La mise en service du barrage a été marquée par une cérémonie officielle à Guba, en présence de chefs d’État de la région. Le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, a annoncé son intention de conclure un accord d’achat d’électricité avec l’Éthiopie. Des images de feux d’artifice et de drones diffusées à la télévision nationale ont accompagné l’inauguration.
Tensions persistantes sur les eaux du Nil
L’infrastructure se situe sur le Nil Bleu, qui fournit environ 85 % des eaux du Nil. Cette localisation continue de susciter l’opposition de l’Égypte, qui dépend du fleuve à 97 % pour ses besoins en eau. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a récemment réaffirmé que son pays ne renoncerait pas à ses droits hydriques. Le Soudan partage également des inquiétudes sur les conséquences potentielles du projet pour ses propres systèmes hydrauliques.
Plusieurs tentatives de médiation internationale ont échoué au cours de la dernière décennie, malgré l’implication successive des États-Unis, de la Banque mondiale, de la Russie, des Émirats arabes unis et de l’Union africaine. Aucune entente formelle tripartite entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan n’a encore été conclue.
Une mise en service dans un contexte politique tendu
Le GERD est l’un des rares projets à avoir été soutenu par l’ensemble des formations politiques éthiopiennes, dans un pays marqué par des conflits internes. Des tensions armées persistent notamment dans les régions de l’Amhara et de l’Oromia. Le Front de libération du peuple du Tigré (Tigray People’s Liberation Front – TPLF) et le Parti de la prospérité, aujourd’hui au pouvoir, revendiquent chacun leur rôle dans la réalisation du projet.
Le directeur général de Webuild a déclaré que le barrage, conçu exclusivement pour la production d’énergie, n’affectera pas le débit du Nil, car les infrastructures hydroélectriques « libèrent de l’eau » sans en consommer. Le GERD fait désormais partie des barrages les plus imposants du continent, bien qu’il reste en deçà, en termes de capacité, des ouvrages chinois des Trois-Gorges (22,5 GW) et de Baihetan (16 GW).