Les marchés de l’électricité en Europe et ailleurs enregistrent une progression notable des prix négatifs, conséquence directe de l’expansion rapide des capacités de production renouvelable. Ce phénomène, accentué depuis 2022, résulte de l’impossibilité de stocker massivement l’électricité et de la nécessité constante de maintenir l’équilibre entre offre et demande. Les pics de production solaire ou éolienne, survenant généralement en période de faible consommation, exercent une pression sur les prix de gros, parfois jusqu’à des niveaux inférieurs à zéro.
Un phénomène amplifié par le mix énergétique renouvelable
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les prix négatifs ont représenté 25 % des heures de production en 2024 dans le sud de l’Australie et 15 % en Californie du Sud. En Europe, la Finlande, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne ont enregistré entre 5 % et 8 % d’heures de prix négatifs. En France, le gestionnaire du réseau à haute tension RTE a recensé 359 heures de prix négatifs l’an passé, soit deux fois plus qu’en 2023.
Ces prix apparaissent principalement lorsque la production renouvelable, dont les pics ne coïncident pas toujours avec la demande, inonde temporairement le réseau. Ainsi, le photovoltaïque atteint son rendement maximal en milieu de journée, alors que la demande culmine plutôt le matin et en soirée. Les centrales thermiques, notamment au gaz, privilégient parfois le maintien temporaire de leur activité, moins coûteux que l’arrêt, ce qui exacerbe les déséquilibres ponctuels.
Impact économique et réponses systémiques
Les pertes liées aux prix négatifs demeurent généralement contenues. L’AIE indique qu’en 2024, ces prix se sont situés en moyenne entre -1 et -30 USD par mégawatheure (MWh), atteignant -25 USD à Victoria (Australie) et -12 USD en Allemagne. En France, les valeurs sont restées proches de zéro, avec un coût estimé à environ 80 mn EUR pour la collectivité entre janvier et juin 2024, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Pour atténuer ces effets, plusieurs solutions sont envisagées. L’électrification accrue des usages, tels que la mobilité ou le chauffage, permettrait une absorption plus efficace des surplus. Par ailleurs, le développement de capacités de stockage, notamment par batteries, est jugé indispensable. Des ajustements tarifaires sont également en cours, comme l’évolution des horaires de facturation pour mieux refléter l’abondance énergétique.
Une dynamique d’exportation renforcée par la surproduction
En 2024, la France a exporté pour 5 milliards EUR d’électricité, notamment vers l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni. Cette performance, facilitée par la compétitivité de son parc nucléaire, hydraulique et renouvelable, a permis de valoriser une production excédentaire qui, sans débouché, aurait aggravé les pressions sur le réseau domestique. RTE souligne que l’exportation s’est faite sans rabais systématique, contrairement à certaines critiques évoquant une braderie énergétique.