L’Espagne réajuste ses ambitions en matière d’hydrogène vert, fixant désormais un objectif de 12 gigawatts (GW) de capacité d’électrolyseurs d’ici 2030. Ce relèvement, par rapport aux 11 GW proposés dans le projet de mise à jour de 2022, illustre la volonté du pays de s’imposer comme un leader européen dans la production d’hydrogène à partir d’électricité renouvelable. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre du Plan National Énergie-Climat, qui sera prochainement approuvé et constitue une référence essentielle pour les investisseurs et les acteurs industriels.
Alors que certains acteurs du marché européen de l’énergie, notamment en Norvège, ont récemment réduit leurs projets liés à l’hydrogène à faible teneur en carbone, Madrid semble maintenir une trajectoire opposée. En effet, la disponibilité abondante de ressources naturelles comme l’énergie solaire et éolienne fait de l’Espagne une candidate de choix pour la production d’hydrogène vert, une technologie clé dans les efforts de décarbonation du continent.
Une Stratégie Industrielle Soutenue par des Investissements
Pour soutenir cette ambition, l’Espagne a récemment alloué des subventions pour plusieurs grands projets d’hydrogène vert. Parmi les investisseurs intéressés, on trouve des acteurs industriels majeurs tels que le fabricant chinois d’électrolyseurs Hygreen Energy et le groupe Envision, également basé en Chine. Ces investissements visent à renforcer les infrastructures nécessaires pour développer une chaîne de valeur compétitive dans le domaine de l’hydrogène.
Toutefois, ce secteur reste confronté à des défis. La dépendance à des subventions publiques et la demande encore incertaine pour l’hydrogène vert ralentissent le développement de certains projets. Par exemple, Shell a récemment abandonné un projet d’hydrogène bleu en Norvège en raison de coûts élevés et de l’absence de demande suffisante. De même, Equinor a annulé une initiative similaire plus tôt cette année. Ces retraits révèlent les limites actuelles d’un marché qui nécessite encore un soutien politique et financier pour se consolider.
Un Contexte Européen Complexe
L’Espagne ne fait pas figure d’exception dans le contexte plus large de l’Union européenne, où les plans énergétiques doivent constamment s’adapter aux réalités du marché. En juin dernier, Madrid n’a pas respecté la date limite de soumission de son Plan National Énergie-Climat à la Commission européenne. Ce retard n’est pas isolé, de nombreux autres pays ayant également pris du retard sur la soumission de leurs plans respectifs.
Malgré cela, le gouvernement espagnol maintient des objectifs clairs, notamment une réduction de 32 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et une augmentation de la capacité de stockage énergétique à 22,5 GW, contre 22 GW prévus initialement. Ces ajustements mineurs n’altèrent pas la trajectoire globale du pays, qui vise à rester un acteur clé dans la transition énergétique européenne.
Des Défis Persistants pour le Secteur de l’Hydrogène
Le coût de production de l’hydrogène vert reste l’un des principaux obstacles à son déploiement à grande échelle. Actuellement, il est plus cher que l’hydrogène produit à partir de gaz naturel. Cette différence de coût, combinée à l’incertitude quant à la demande future, explique pourquoi certains projets sont mis en pause. Pourtant, l’hydrogène vert est perçu comme un élément central de la décarbonation de l’économie européenne, particulièrement dans les secteurs difficiles à électrifier, comme l’industrie lourde et le transport maritime.
En dépit de ces obstacles, l’Espagne continue de miser sur des infrastructures de pointe et des partenariats stratégiques pour maintenir sa compétitivité sur ce marché en plein essor. Le gouvernement espère que l’accélération des projets dans le secteur de l’hydrogène attirera des investissements supplémentaires et favorisera l’émergence de nouvelles technologies pour réduire les coûts à long terme.
Une Course Internationale à l’Hydrogène
Dans cette course à l’hydrogène, l’Espagne se positionne comme un acteur concurrentiel au sein de l’Union européenne. La France, l’Allemagne, et d’autres pays européens ont également annoncé des projets d’envergure dans le domaine, bien que certains soient plus prudents en raison des défis économiques. La stratégie espagnole repose sur sa capacité à attirer des capitaux étrangers et à tirer parti de ses ressources naturelles pour accélérer le développement de l’hydrogène vert.
L’Espagne pourrait bénéficier de sa proximité géographique avec l’Afrique du Nord, une région qui détient un potentiel significatif en termes de production d’énergie renouvelable. Cette position stratégique pourrait permettre au pays de devenir un hub pour l’exportation d’hydrogène vert vers le reste de l’Europe et au-delà.
L’avenir de l’hydrogène vert en Espagne dépendra en grande partie de la capacité du gouvernement à équilibrer ses ambitions avec les réalités économiques et industrielles du secteur. Toutefois, avec une feuille de route claire et des investissements ciblés, l’Espagne continue de se positionner en tant que leader potentiel dans la production d’énergie propre et dans les efforts de décarbonation de l’Europe.