L’administration américaine prévoit d’imposer des taxes allant jusqu’à 3.521% sur les panneaux solaires produits au Cambodge, au Vietnam, en Thaïlande et en Malaisie. Cette mesure fait suite à une enquête commerciale concluant que des entreprises opérant dans ces pays bénéficiaient de subventions chinoises induisant un désavantage pour les producteurs américains.
Des fabricants contraints de se détourner du marché américain
La Chine représente actuellement 80% de la production mondiale de panneaux solaires et détient une position dominante à toutes les étapes de la chaîne de valeur. Face à la pression croissante des mesures protectionnistes américaines, plusieurs entreprises chinoises avaient délocalisé une partie de leur production vers l’Asie du Sud-Est. Avec les nouvelles surtaxes, ces stratégies de contournement deviennent désormais inefficaces.
Selon Putra Adhiguna, directeur du groupe de réflexion Energy Shift Institute, « les exportations commerciales de photovoltaïque vers les États-Unis deviendront pratiquement impossibles ». Certaines entreprises sont visées par des taxes multipliant par trente-cinq le coût initial de leurs produits, notamment celles opérant au Cambodge et en Thaïlande.
Réallocation régionale des capacités de production
Ce changement brutal de cap sur le marché américain pourrait accélérer le recentrage vers les marchés locaux et régionaux. Ben McCarron, directeur du cabinet singapourien Asia Research & Engagement, estime que la guerre commerciale actuelle pourrait « accélérer la transition énergétique en Asie du Sud-Est ». Les producteurs, poussés par l’excès d’offre et la fermeture de débouchés traditionnels, pourraient stimuler la demande locale.
En 2024, plus de 80% de l’électricité malaisienne provenait encore des énergies fossiles. Kuala Lumpur prévoit d’augmenter la part des renouvelables à 24% d’ici 2030, mais reste en retard par rapport aux tendances mondiales de baisse des coûts du solaire et de l’éolien.
Fragilité des stratégies d’exportation solaire
Muyi Yang, analyste principal au sein du groupe Ember, rappelle que jusqu’à présent, l’industrie du solaire en Asie du Sud-Est a fonctionné sur une logique opportuniste, priorisant l’exportation plutôt que les besoins domestiques. La perte du marché américain pourrait inciter les acteurs à adopter des stratégies de développement local plus stables, bien qu’aucun marché régional n’offre une capacité d’absorption équivalente.
L’Inde et l’Indonésie ont déjà instauré des mesures protectionnistes favorisant leur propre production nationale, freinant ainsi l’importation massive de composants solaires. Pour les industriels du secteur, la clé sera d’équilibrer les efforts d’écoulement de stocks avec la montée en puissance de politiques publiques nationales encore inégales à travers la région.