Les sanctions de l’Union européenne contre la Russie ont atteint une nouvelle dimension avec le 14e paquet de mesures, affectant directement le gaz naturel liquéfié (LNG) russe. Adopté le 24 juin 2024, ce paquet inclut des interdictions spécifiques sur le transbordement de LNG russe dans les ports européens et l’importation de LNG via des terminaux non connectés au réseau de gaz naturel de l’UE. Cette initiative vise à réduire la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe tout en exerçant une pression économique sur Moscou. Un rapport d’Oxford Energy détaille les implications de ces sanctions.
Contexte des sanctions
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’UE s’efforce de diminuer sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Le plan REPowerEU prévoit une série de mesures pour éliminer le gaz russe d’ici 2027. Les importations de gaz par pipeline ont déjà chuté de manière significative, passant de 142 milliards de mètres cubes (bcm) en 2021 à 26 bcm en 2023. Cependant, les importations de LNG russe ont légèrement augmenté, atteignant 20,7 bcm en 2023, malgré une baisse par rapport à l’année précédente.
Mesures spécifiques et leurs implications
Les nouvelles sanctions incluent une interdiction de transbordement du LNG russe dans les ports de l’UE, une interdiction d’importer du LNG russe via des terminaux non connectés au réseau de gaz naturel de l’UE, et une interdiction de fournir des biens, des technologies ou des services pour la réalisation de projets de LNG en Russie. Ces mesures visent à compliquer logiquement et légalement les opérations pour les acteurs du marché, sans pour autant réduire de manière significative la disponibilité du LNG russe en Europe.
Les sanctions sur le transbordement de LNG, en particulier, affecteront les opérations dans des ports comme Zeebrugge et Montoir-de-Bretagne, où une grande partie du LNG russe est actuellement transbordée. Cela pourrait forcer les exportateurs russes à chercher des alternatives, comme les transbordements en haute mer ou via des ports non européens, augmentant ainsi les coûts logistiques.
Impact sur les contrats de LNG
Les contrats de fourniture de LNG, notamment ceux impliquant des transbordements dans l’UE, devront être révisés. Les principaux contractants, tels que TotalEnergies, SEFE et CNPC, devront trouver des solutions pour continuer à honorer leurs engagements. Par exemple, CNPC, qui importe du LNG russe en Chine, pourrait devoir ajuster ses routes de livraison et ses calendriers, augmentant ainsi les coûts et les délais de transport.
Les contrats de transbordement, comme celui de 20 ans entre Fluxys et Yamal Trade, seront particulièrement affectés. Le recours à la force majeure pourrait être invoqué par les opérateurs de terminaux pour suspendre leurs obligations sans encourir de pénalités. Cependant, cette démarche pourrait être contestée, menant potentiellement à des arbitrages internationaux.
Alternatives et adaptations
Avec les interdictions en place, les transbordeurs de LNG russes devront envisager des alternatives. Le port de Murmansk en Russie et la route maritime du Nord sont des options viables, bien que plus coûteuses et complexes logiquement. Ces alternatives augmenteraient les coûts de transport et les risques environnementaux, notamment en hiver lorsque des brise-glaces sont nécessaires pour escorter les navires.
Les sanctions affecteront également les petits terminaux hors réseau en Suède et en Finlande. Ces terminaux, qui reçoivent actuellement du LNG de Vysotsk, devront trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, tandis que Novatek devra rediriger ses cargaisons vers d’autres destinations européennes.
Perspectives et conclusions
Les sanctions de l’UE sur le LNG russe montrent la détermination de l’Europe à réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Bien que ces mesures créent des défis logistiques et juridiques pour les acteurs du marché, elles pourraient paradoxalement augmenter la disponibilité du LNG russe en Europe, si les exportateurs russes redirigent leurs cargaisons initialement destinées à l’Asie vers des clients européens.
L’interdiction des services et technologies pour les projets de LNG en Russie vise à retarder ou à rendre plus coûteuse la mise en service de nouveaux projets comme Arctic LNG 2. Cependant, la portée de cette interdiction reste floue et dépendra de la capacité des entreprises russes à trouver des fournisseurs alternatifs.
En somme, ces sanctions représentent un acte d’équilibrisme de la part de l’UE, cherchant à affaiblir l’économie russe tout en minimisant les impacts sur la sécurité énergétique européenne. Les entreprises et les gouvernements devront naviguer soigneusement ces nouvelles régulations pour maintenir la stabilité du marché énergétique.