Depuis plusieurs décennies, le réchauffement climatique imputable aux émissions de gaz à effet de serre est un fait avéré. Cependant, la succession des records de température mondiale observée en 2023 et 2024 dépasse les prévisions habituelles. Les scientifiques sont confrontés à l’énigme de cette surchauffe inédite.
Le phénomène est en partie attribué à la variabilité naturelle du climat. Selon les experts, les années précédentes ont été marquées par trois épisodes successifs de La Niña, une oscillation climatique qui masque temporairement le réchauffement en favorisant l’absorption de chaleur par les océans. En 2023, le passage à El Niño, connu pour son effet inverse, a restitué cette énergie, poussant les températures mondiales à des niveaux inédits depuis 100 000 ans, d’après les paléoclimatologues.
Des hypothèses multiples
Plusieurs hypothèses émergent pour expliquer cette situation exceptionnelle. D’abord, la réduction des nuages de basse altitude, liée à des changements dans la composition atmosphérique, pourrait avoir permis une plus grande absorption de chaleur par la surface terrestre. Cette hypothèse est soutenue par une étude récente ayant analysé les impacts des carburants maritimes plus propres, imposés depuis 2020, qui ont réduit les émissions de soufre responsables d’un refroidissement partiel.
De plus, les puits de carbone naturels comme les océans et les forêts montrent des signes d’essoufflement. L’été dernier, une étude préliminaire a révélé un affaiblissement sans précédent de ces mécanismes d’absorption du dioxyde de carbone (CO2). Par exemple, la toundra arctique émet désormais plus de CO2 qu’elle n’en stocke, un phénomène inquiétant confirmé par les données de l’observatoire NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).
Une résilience climatique en question
Pour certains experts, ces évolutions pourraient indiquer un affaiblissement de la résilience climatique. Johan Rockström, de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat, a récemment souligné que le réchauffement accéléré des océans est un phénomène que les scientifiques ne parviennent pas encore à expliquer pleinement. Il met en garde contre la possibilité d’un premier signe de dérèglement global.
Lors de la conférence de l’American Geophysical Union, des chercheurs comme Gavin Schmidt, directeur de l’Institut Goddard de la NASA, ont admis que le fonctionnement du système climatique pourrait être en train de changer. Si les températures restent élevées au-delà de 2025, une réévaluation des modèles climatiques actuels sera nécessaire.
Un avenir incertain
Les climatologues avertissent qu’un emballement climatique, bien que difficile à détecter, ne peut être exclu. Sonia Seneviratne, experte de l’ETH Zurich, appelle à poursuivre les recherches pour comprendre l’impact des facteurs multiples, tels que l’activité solaire, les éruptions volcaniques, ou encore le rôle des émissions anthropiques.
Alors que la planète entre dans une phase climatique inédite, le besoin de données et d’actions concrètes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre devient plus urgent que jamais.