Les recettes issues du pétrole et du gaz de la Fédération de Russie se sont établies à environ 520 Mds RUB ($6,45bn) en novembre, marquant une baisse de près de 35 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution s’inscrit dans une tendance prolongée de contraction des revenus pétro-gaziers, soutenue par une pression persistante sur les prix du brut russe et un renforcement du rouble, deux facteurs qui pèsent directement sur les recettes budgétaires.
Des prix en repli et un taux de change défavorable
Sur les onze premiers mois de l’année, le prix moyen du brut russe s’est situé autour de 57 USD/bbl, contre plus de 68 USD sur la même période l’année précédente. Parallèlement, le rouble s’est apprécié, avec un taux moyen proche de 81 RUB/USD contre environ 92 un an plus tôt. Cette évolution défavorable du taux de change réduit la valeur en roubles des exportations en dollars, limitant ainsi la base fiscale utilisée pour le calcul des prélèvements pétroliers. La structure fiscale russe, fondée sur des seuils indexés au prix du brut, accentue cette dynamique baissière.
Rosneft et Lukoil au cœur des nouvelles sanctions américaines
Les sanctions imposées en octobre par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) américain à Rosneft et Lukoil concernent des entités représentant environ la moitié de la production pétrolière russe. En ciblant les sociétés elles-mêmes plutôt que les seuls services logistiques ou maritimes, ces mesures ajoutent un risque juridique pour les acheteurs et partenaires financiers internationaux. Certaines licences générales permettent encore des opérations limitées, mais elles confirment la volonté de Washington de restreindre l’accès du Kremlin aux devises issues de ses exportations.
Impact budgétaire et contraintes internes de financement
Le déficit fédéral a atteint 3,8 Tn RUB sur les neuf premiers mois de l’année, alors que les recettes pétro-gazières cumulées sont en nette baisse par rapport aux prévisions initiales. Avec une dépense militaire représentant environ 32 % du budget fédéral, les marges de manœuvre du gouvernement pour réduire d’autres postes de dépenses restent limitées. Le recours au fonds souverain russe (National Wealth Fund) s’intensifie, bien que son usage répété fragilise sa capacité à soutenir l’économie sur le moyen terme sans refinancement suffisant.
Recomposition des flux pétroliers et pressions sur la logistique
Face aux restrictions occidentales, la Russie intensifie ses efforts pour rediriger ses cargaisons vers les marchés asiatiques, notamment l’Inde, en consentant des remises tarifaires importantes. Cette stratégie a pour effet d’alourdir les pressions logistiques, avec un risque accru de congestion maritime et de stockage temporaire en mer. En parallèle, les producteurs concurrents du Moyen-Orient et les exportateurs américains sécurisent des contrats à long terme auprès de clients soucieux de se prémunir contre les effets secondaires des sanctions.
La dimension budgétaire au cœur de l’affrontement géopolitique
Les volumes d’exportation russes se maintiennent, mais leur contribution nette au budget fédéral devient le principal levier de tension économique. Le différentiel persistant entre le prix du brut Urals et le Brent reflète l’effet cumulatif du plafonnement des prix imposé par le G7 et des sanctions individuelles sur les grandes compagnies russes. Ce mécanisme, en réduisant le revenu par baril, traduit un déplacement de l’affrontement géopolitique vers une érosion progressive de la capacité financière de Moscou.