La réduction des émissions de CO2 reste un défi majeur pour les industries. Les technologies de captage et stockage du carbone (CCS) apparaissent comme un levier incontournable pour compenser les émissions résiduelles. Cependant, malgré une reconnaissance croissante, ces projets ne sont pas déployés à une échelle suffisante pour répondre aux objectifs de neutralité carbone. Selon un rapport récent de Wood Mackenzie, le captage de carbone doit s’intensifier rapidement si l’on souhaite éviter des répercussions économiques majeures à long terme.
Le CCS est désormais vu comme une solution clé pour aider à la décarbonation des secteurs difficiles à électrifier, comme l’industrie lourde et la production d’énergie. Toutefois, la complexité technique de ces projets et leurs coûts élevés freinent leur adoption à grande échelle. Actuellement, les initiatives se concentrent principalement en Amérique du Nord et en Europe, avec peu de soutien dans d’autres régions où la réduction des émissions est pourtant essentielle.
Des défis techniques et financiers majeurs
L’absence de cadres réglementaires clairs et de politiques incitatives solides explique en partie ce retard. Bien que certains gouvernements aient instauré des mécanismes de prix du carbone ou des subventions pour les projets de CCS, ces initiatives restent insuffisantes pour créer une dynamique globale. De plus, les coûts associés à ces technologies, en particulier le captage direct dans l’air (DAC), peuvent varier considérablement, entre 100 et 1 000 dollars par tonne de CO2 capturé. En comparaison, les solutions fondées sur la nature, telles que la reforestation ou la gestion des sols, peuvent offrir des alternatives moins coûteuses, mais elles ne suffiront pas à elles seules pour atteindre les niveaux de décarbonation requis.
L’une des principales difficultés réside dans la monétisation des crédits carbone issus des projets de captage. Contrairement aux énergies renouvelables, le CCS ne produit pas de bien ou de service immédiatement tangible, ce qui complique sa valorisation sur les marchés financiers. Les investisseurs hésitent donc à s’engager pleinement, faute de garanties économiques claires. Les marchés volontaires du carbone, bien que prometteurs, manquent encore de transparence et de cohérence, ce qui limite leur capacité à attirer des financements à long terme.
Le rôle des politiques publiques et des marchés du carbone
Pour accélérer le développement des projets de captage de carbone, les gouvernements doivent adopter des politiques plus agressives en matière de prix du carbone et de réglementation. Actuellement, l’Amérique du Nord et l’Europe représentent plus de 95 % des capacités de captage annoncées, principalement en raison de politiques incitatives favorables. Cependant, sans un effort mondial coordonné, ces initiatives risquent de rester marginales et insuffisantes pour compenser les émissions globales.
Les experts estiment qu’un renforcement des mécanismes de marché pourrait encourager davantage d’investissements privés. La mise en place de marchés réglementés du carbone, où les entreprises seraient obligées de compenser une partie de leurs émissions, pourrait transformer le captage de carbone en une opportunité financière attractive. Par ailleurs, des partenariats public-privé pourraient jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de projets de grande envergure, en particulier dans les pays en développement, où les ressources naturelles offrent un potentiel important pour les solutions basées sur la nature.
Vers une industrialisation du captage de carbone
Malgré les défis, certains acteurs industriels avancent déjà dans le développement de technologies de captage de CO2. Les projets de captage direct dans l’air, bien que coûteux, sont perçus comme essentiels pour éliminer le CO2 déjà présent dans l’atmosphère. Toutefois, pour rendre ces projets viables à grande échelle, des avancées technologiques sont nécessaires, notamment dans l’optimisation des chaînes d’approvisionnement et la réduction de la consommation énergétique des installations.
L’industrialisation de ces technologies est cruciale pour atteindre les objectifs de décarbonation fixés pour 2050. Le rapport de Wood Mackenzie souligne que, bien que les solutions basées sur la nature soient plus abordables, elles ne suffiront pas à répondre aux besoins globaux. Une approche combinant ces solutions avec des technologies de captage industriel sera indispensable pour compenser les émissions des secteurs les plus difficiles à décarboner, tels que le ciment, l’acier ou les transports lourds.
Les perspectives de croissance et les prochaines étapes
Les prévisions de Wood Mackenzie montrent que la demande pour des solutions de captage de carbone pourrait tripler d’ici 2050, en particulier si les problématiques de fiabilité des marchés du carbone et de vérification des crédits sont résolues rapidement. Les entreprises doivent être prêtes à payer pour ces technologies, tandis que les gouvernements doivent renforcer les cadres réglementaires pour faciliter les échanges de crédits carbone et assurer une plus grande transparence.
La mobilisation du secteur privé et l’engagement des gouvernements seront déterminants dans la capacité à déployer ces solutions à une échelle suffisante pour atteindre la neutralité carbone. Le marché du carbone deviendra sans doute un levier financier majeur pour soutenir ces projets. Cependant, la réussite de ces initiatives dépendra largement de l’intégration de ces solutions dans les stratégies nationales et internationales de décarbonation.