Les grandes compagnies pétrolières et gazières peinent à adopter des stratégies crédibles pour atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050, selon un rapport récent de Carbon Tracker Initiative, un think tank basé à Londres spécialisé dans les impacts financiers de la transition énergétique. L’analyse de 30 entreprises révèle qu’aucune d’entre elles n’est sur une trajectoire compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.
L’étude « Absolute Impact 2024 » s’appuie sur des critères incluant la couverture des émissions des scopes 1, 2, et 3 dans les engagements climatiques. Ces trois catégories couvrent respectivement les émissions directes, celles liées à l’énergie achetée, et celles générées par l’utilisation des produits vendus. Carbon Tracker a constaté que de nombreuses entreprises s’appuient sur des solutions controversées, comme le captage et stockage de carbone (CCS) ou des compensations naturelles, pour justifier leurs trajectoires vers le net zéro.
Performances contrastées entre les acteurs européens et américains
Les entreprises européennes, telles que Repsol en Espagne, dominent les classements de Carbon Tracker grâce à des investissements substantiels dans les énergies renouvelables. Repsol a choisi de se concentrer sur la production d’électricité renouvelable tout en réduisant sa dépendance à l’exploration pétrolière. Luis Cabra, directeur général de la transition énergétique chez Repsol, a expliqué que l’entreprise avait minimisé les risques financiers liés aux renouvelables en s’associant à des partenaires stratégiques, ce qui a permis de doubler les retours sur investissement.
En revanche, les majors américaines, bien que figurant dans la moyenne du classement, sont moins ambitieuses. Occidental Petroleum Corp. se distingue toutefois parmi ses pairs en intégrant les émissions du scope 3 dans ses plans de réduction. La plupart des entreprises américaines considèrent ces émissions comme étant sous la responsabilité des consommateurs finaux.
Les compagnies nationales, comme Saudi Aramco et Sonatrach, occupent les dernières positions. Par ailleurs, Carbon Tracker a noté l’absence de données sur les entreprises canadiennes, celles-ci ayant cessé de publier leurs informations climatiques.
Des risques financiers majeurs liés à la transition
Carbon Tracker identifie deux risques principaux pour les investisseurs du secteur pétrolier et gazier dans le cadre de la transition énergétique : le risque de substitution et le risque réglementaire. Le premier découle de la concurrence croissante des sources d’énergie renouvelable, tandis que le second provient de politiques gouvernementales limitant les émissions de gaz à effet de serre.
Mike Coffin, responsable de l’analyse pétrole et gaz chez Carbon Tracker, souligne que certaines entreprises perçoivent encore les émissions comme une problématique externe. « Ce n’est pas simplement une question environnementale. C’est un risque fondamental pour leur activité », affirme-t-il.
Les compagnies qui diversifient leurs investissements, comme Equinor en Norvège, obtiennent de meilleurs résultats. De plus, celles qui font preuve de transparence en matière de données climatiques s’avèrent mieux positionnées pour faire face aux défis à venir.
Un avenir incertain pour le secteur fossile
Les signes d’un ralentissement dans l’adoption des stratégies net zéro sont de plus en plus visibles. Plusieurs majors européennes, dont Shell, ont revu à la baisse leurs ambitions en matière de renouvelables, invoquant des retours sur investissement insuffisants comparés à ceux des hydrocarbures. ExxonMobil a récemment prédit que les objectifs net zéro mondiaux ne seront pas atteints.
En dépit de ces freins, les exemples de Repsol et Equinor montrent que des opportunités existent pour les entreprises qui embrassent la transition énergétique. Toutefois, les stratégies doivent évoluer rapidement face à une demande en énergie fossile susceptible de diminuer.