Les prix au comptant du pétrole brut produit au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis se sont effondrés. Les raffineurs rechignent à faire face à des coûts d’exploitation plus élevés et les principales économies s’apprêtent à libérer un flot de pétrole des réserves stratégiques.
Des indices de référence évocateurs sur le prix du brut
Les indices de référence du brut négociés au comptant permettent souvent de prédire l’orientation des prix à terme. Actuellement, on observe une baisse des primes pour les qualités venant du Moyen-Orient, de la mer du Nord et du Texas. Cela suggère que la décision des grands consommateurs de libérer des réserves a un effet modérateur sur les prix. La libération des ressources stratégiques compense en partie la perte anticipée des exportations russes.
Dernièrement, les primes pour le brut de référence du Moyen-Orient sont tombées à un tiers de leur pic de début mars. Le Brent et la Forties sont également en baisse de 80 % à 100 % par rapport au début de l’invasion russe. De plus, certaines qualités américaines s’affaiblissent. Les réserves américaines mettent en effet davantage de brut moyennement lourd sur le marché.
Compenser la perte des barils russe
L’Agence internationale de l’énergie a prévenu que le monde pourrait perdre 3 millions de barils par jour de brut. La Russie exporte entre 4 et 5 millions de b/j, en faisant le deuxième plus grand exportateur.
Pour compenser cette perte, les État-Unis ont ainsi annoncé le plus grand prélèvement jamais effectué dans leurs réserves (SPR). Ils libéreront 1 million de b/j pendant 6 mois à partir de mai. Cela représente en tout 180 millions de barils environ. De plus, d’autres membres de l’AIE se sont mis d’accord pour libérer du pétrole de leurs réserves stratégiques.
Une surcharge des marchés
Depuis l’invasion de la Russie, les marchés mondiaux à terme sont devenus de plus en plus arriérés. Les prix actuels se négocient à des prix beaucoup plus élevés que les contrats à terme à échéance plus lointaine. Toutefois, ces derniers temps les acheteurs ont rechigné à payer des prix records, préférant réduire leurs stocks. Selon les traders, cela a conduit à une surcharge des marchés pétroliers d’Afrique de l’Ouest.
Le Nigéria, principal exportateur de la région, a vu ses cargaisons s’accumuler. Le surplus de brut pour les chargements d’avril et de mai atteint au moins 40 cargaisons. De plus, le pétrole chargé en avril par le deuxième exportateur africain, l’Angola, n’a pas encore été vendu. Son principal acheteur, la Chine est en effet actuellement en faible demande. La Chine a récemment prolongé un confinement à Shanghai en raison d’infections au coronavirus.
L’Inde s’est également tournée vers le brut bon marché de l’Oural russe. Elle a ce faisant, elle réduit sa demande en provenance de l’Afrique et du Moyen-Orient. Un négociant parle ainsi de « craintes de destruction de la demande », bien que la libération des SPR devrait détendre le marché.
Une possible pénurie d’approvisionnement ?
Selon un négociant basé à Singapour :
« Il n’est pas certain que nous soyons réellement confrontés à une pénurie d’approvisionnement car les barils russes continuent de couler ».
On s’attend également à ce que le déblocage du SPR américain pompe davantage de pétrole brut sur le marché. Toutefois, la hausse des frais de transport rend les exportations américaines moins attrayantes. C’est en tout cas ce que déclarent les négociants.
Rappelons tout de même que les acheteurs européens se sont pour le moment tenus à l’écart du marché. Selon les traders, cette décision est due à la persistance de l’offre. De plus, La détente des prix du brut pourrait encourager les raffineurs à augmenter leur production. Ils pourraient en effet être confronté à une demande estivale élevée. Les stocks mondiaux de diesel sont en effet à leur plus bas niveau depuis une décennie.