Les multinationales du secteur énergétique et des matières premières cherchent à s’implanter sur le marché chinois des crédits carbone, notamment dans le cadre du mécanisme « China Certified Emission Reduction » (CCER). Ce mécanisme volontaire permet aux entreprises étrangères, sous certaines conditions, d’investir dans des projets locaux de réduction d’émissions en Chine. L’intérêt pour ce marché a augmenté depuis l’annonce de nouvelles lignes directrices par les autorités chinoises, visant à élargir le Système National d’Échange de Quotas (ETS) au-delà du secteur de l’énergie.
Les sociétés actives dans le trading de matières premières, ainsi que les producteurs industriels basés en Chine, anticipent une hausse de la demande pour les crédits CCER, notamment en raison des nouvelles politiques de régulation des émissions introduites par le Ministère de l’Écologie et de l’Environnement (MEE). À travers ces mesures, Pékin souhaite utiliser les CCER comme un outil d’intégration progressive des secteurs industriels dans le marché des quotas d’émissions, en créant un lien direct entre le marché volontaire et le marché réglementé.
Extension de l’ETS : un levier stratégique
L’extension progressive du Système National d’Échange de Quotas d’Émissions, actuellement limité au secteur de l’énergie, constitue un enjeu stratégique majeur. En 2025, les secteurs de l’aluminium, de l’acier et du ciment seront inclus dans ce système, suivis des raffineries, de la pétrochimie et du transport aérien d’ici 2030. Ces industries représentent une part importante de la production nationale et mondiale, ce qui impacte directement le marché des matières premières.
La stratégie chinoise vise à intégrer ces secteurs en plusieurs phases pour éviter une volatilité excessive des prix tout en assurant une transition ordonnée vers un marché carbone plus mature. Les observateurs anticipent que les entreprises locales devront ajuster leurs stratégies d’approvisionnement et d’investissement pour répondre aux nouvelles exigences en matière de quotas d’émissions. L’évolution de l’ETS chinois est surveillée de près par les entreprises internationales, qui adaptent leur positionnement en conséquence pour optimiser leur exposition aux prix du carbone.
Le rôle croissant des crédits CCER
Le mécanisme CCER se distingue du système national par sa flexibilité et son accessibilité pour les entreprises étrangères. Bien qu’il ne soit pas encore pleinement opérationnel, le marché des CCER devrait connaître une croissance rapide, soutenue par la reprise de l’émission de nouveaux projets. Le MEE prévoit de publier la première série de crédits d’ici la fin 2024, après une suspension de sept ans. Cette reprise pourrait générer environ 11,22 millions de tonnes de crédits CO2 par an, selon les prévisions initiales.
En parallèle, la demande intérieure pour les crédits CCER est également stimulée par l’intégration progressive de ces derniers dans le cadre du « Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation » (CORSIA). Cette initiative, soutenue par le Ministère de l’Écologie et de l’Environnement, permettra aux compagnies aériennes de compenser une partie de leurs émissions en utilisant ces crédits, créant ainsi un nouveau débouché pour les projets de réduction d’émissions en Chine.
Perspectives de croissance pour les investisseurs
Le développement des crédits CCER attire les investisseurs en raison de leur prix plus élevé par rapport aux crédits du marché volontaire mondial (VCM). En septembre 2024, les crédits basés sur des projets de séquestration naturelle étaient évalués à environ 12,55 $/tCO2e, alors que les nouveaux CCER, issus de projets d’énergies renouvelables et de reboisement, devraient atteindre environ 13 $/tCO2e. Cette dynamique de prix, couplée à la forte demande intérieure, rend le marché chinois des crédits carbone plus attractif pour les investisseurs internationaux.
Les grandes entreprises, déjà présentes dans le secteur, ont commencé à mobiliser leurs ressources pour acquérir ces nouveaux crédits. Les acteurs historiques, tels que Shell, BP et Vitol, utilisent leur expérience dans les marchés régulés pour se positionner en tant qu’intermédiaires privilégiés sur le marché des CCER. L’anticipation de l’intégration des CCER dans le marché réglementé renforce encore plus leur intérêt.
Défis et enjeux réglementaires
L’extension du marché des quotas d’émissions en Chine n’est pas sans défis. La politique actuelle limite l’utilisation des crédits CCER à 5% des émissions couvertes par l’ETS, ce qui pourrait freiner la demande en cas de forte hausse des émissions industrielles. De plus, les experts estiment que la mise en place de mécanismes de surveillance et de vérification efficaces sera cruciale pour assurer l’intégrité du marché.
Les décisions prises par les régulateurs chinois influenceront également les perspectives d’alignement des prix sur le « Carbon Border Adjustment Mechanism » (CBAM) de l’Union européenne, qui entrera en vigueur en 2026. Cette politique pourrait forcer les industries chinoises à ajuster leurs prix carbone pour éviter des distorsions de concurrence sur le marché européen. Certains analystes prévoient une augmentation progressive des prix des quotas en Chine pour suivre cette évolution.