Les marchés carbones actuels pourraient être perturbés par la réinvention du système par l’article 6 de l’accord de Paris et par l’intervention de gouvernements.
Des changements stimulés par l’article 6 de la COP21
Le marché d’échange volontaire du carbone tel qu’on le connaît actuellement a été construit au cours des 17 dernières années. Comme son nom l’indique, la participation à un tel marché est volontaire. Cependant, la COP21, et plus spécifiquement son article 6, amène les gouvernements à essayer de repenser son architecture.
L’article 6 de l’accord de Paris prévoit de favoriser la coopération internationale volontaire entre deux parties pour atteindre les objectifs climatiques de chacun ou « NDC » (Nationally Determined Contributions). Pour cela, l’article donne aux pays l’autorité de gérer leurs mécanismes de réduction du carbone.
L’article 6.2 et les ITMOs
Au traditionnel marché volontaire du carbone, la COP21 ajoute, avec l’article 6.2, les Internationally Transferred Mitigation Outcomes (ITMOs). Ce mécanisme fournit un cadre comptable pour la coopération internationale en termes de carbone en permettant de relier différents systèmes d’échange de droits d’émission.
L’article 6.2 permet à deux acteurs de conclure un accord par lequel l’un réduit ses émissions de carbone et transfère ces réductions à l’autre qui les comptabilise dans ses objectifs de NDC. Ce transfert s’effectue en échange d’une compensation financière. La partie vendeuse doit décompter ces résultats d’atténuation des réductions d’émissions de ses objectifs de NDC. Toutefois, ce schéma permet de stimuler l’investissement dans des projets soutenables ce qui aura des conséquences positives sur la trajectoire carbone sur le long terme du pays.
Bien que le règlement de l’Accord de Paris ne soit pas encore finalisé, certains pays commencent à s’engager et à planifier des transactions ITMO. C’est particulièrement le cas de la Suisse à travers la KilK Foundation. Par ailleurs, les pays nordiques envisagent également de s’engager dans ce type de transaction avec la Nordic Environment Finance Corporation (NEFCO). Finalement, des entreprises s’engagent à travers le Transformative Carbon Asset Facility (TCAF), créée par la Banque Mondiale.
L’article 6.4 et le mécanisme centralisé de crédit carbone
L’article 6.4 quant à lui prévoit la création d’un mécanisme centralisé de crédit carbone. Il reprend le principe du Clean Development Mechanism (CDM). Il s’agit d’un mécanisme de financement de projets de réduction des émissions implémenté par le protocole de Kyoto. Dans le cadre de ce dernier, il est possible d’échanger des crédits provenant de réductions d’émissions générées par des projets spécifiques.
Les politiques d’adaptation des gouvernements, un nouveau risque
Alors que le marché d’échange volontaire a grandi sans être affecté par l’intervention des pouvoirs publics, l’avènement de l’accord de Paris implique une intervention des gouvernements. Cependant, la plupart des pays reçoivent des messages contradictoires sur la façon d’exploiter et de réguler les marchés.
Les gouvernements ne disposent pas d’aide pour établir des politiques claires ou encore pour établir une conformité. Ainsi, les actions des gouvernements risquent de bloquer les marchés existants mais aussi compromettre la mise en place de marchés de conformité. Certains projets pourraient être arrêtés à cause d’une législation non finalisée.
Face à ces problèmes, de nombreux pays choisissent de limiter leurs stocks de crédits carbones à leur propre pays et tentent ainsi de limiter l’échange de crédits à l’international. C’est le cas de l’Indonésie. Cela empêche le marché de s’étendre. Par ailleurs, cela pourrait également menacer la survie de ces marchés puisque la demande pourrait finir par partir.
Les suggestions de Renat Heuberger, PDG de South Pole
Tel est le constat dressé par Renat Heuberger, le PDG de South Pole. South Pole est une entreprise de courtage en carbone et un développeur de projets. Pour atténuer l’ampleur de la crise, Heuberger propose de se baser sur le modèle existant de marché carbone. Il souhaite utiliser l’expertise des 17 dernières années pour créer un nouveau système fonctionnel au plus vite.
La crise des marchés du carbone pourrait également impacter le développement de projets d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. L’émergence de fonds spéculatifs met déjà à mal ces projets. Ces derniers ont fait fortement augmenter le prix du carbone au cours de ces dernières années. Heuberger pense qu’il est nécessaire d’attirer des acteurs sur le long terme pour soutenir les projets.