Le captage et stockage du carbone (CCS) s’impose comme une composante stratégique incontournable pour les majors pétrolières mondiales. Entre 2023 et 2025, ces entreprises ont intensifié leurs investissements dans le CCS, en réponse à des réglementations environnementales renforcées et à une pression accrue des investisseurs. Cette dynamique reflète une adaptation des modèles économiques pour intégrer les nouvelles obligations liées à la décarbonation.
Expansion rapide du marché mondial du CCS
Le marché mondial du CCS connaît une croissance soutenue. En 2024, il est évalué à 8,8 milliards de dollars, avec une projection atteignant 45 milliards de dollars d’ici 2034, soit un taux de croissance annuel moyen de 16,7% sur la période 2025-2034. Cette expansion est stimulée par des politiques environnementales plus strictes, des incitations gouvernementales et des avancées technologiques réduisant les coûts de mise en œuvre.
Investissements stratégiques des majors pétrolières
ExxonMobil a annoncé un investissement de 30 milliards de dollars d’ici 2030 dans des technologies bas carbone, incluant le CCS, l’hydrogène et les biocarburants. Cette stratégie vise à positionner l’entreprise comme un leader dans le domaine du CCS, tout en évitant les investissements massifs dans les énergies renouvelables.
Chevron prévoit un investissement de 8 milliards de dollars entre 2021 et 2028 dans des projets à faible émission de carbone, incluant le CCS. L’entreprise se concentre sur des projets tels que Bayou Bend au Texas et Gorgon en Australie.
TotalEnergies, en partenariat avec Shell et Equinor, investit 7,5 milliards de couronnes norvégiennes (environ 714 millions de dollars) dans l’expansion du projet Northern Lights en Norvège, visant à augmenter la capacité de stockage de CO₂ de 1,5 à 5 millions de tonnes par an.
BP a réduit son investissement annuel dans les projets bas carbone à 1,75 milliard de dollars, contre 6,45 milliards précédemment, tout en augmentant ses investissements dans le pétrole et le gaz de 20% pour atteindre 10 milliards de dollars par an.
Projets majeurs en cours
Le projet Northern Lights en Norvège, soutenu par Equinor, Shell et TotalEnergies, représente l’une des initiatives les plus avancées en matière de CCS en Europe. Avec une capacité prévue de 5 millions de tonnes de CO₂ par an, il vise à fournir une solution de stockage transfrontalière pour les industries européennes.
Au Royaume-Uni, le gouvernement et Eni ont convenu de poursuivre le projet de captage et stockage du carbone de Liverpool Bay, qui permettra de transporter le CO₂ des sites industriels du nord-ouest de l’Angleterre vers les anciens champs gaziers d’Eni via un réseau de pipelines de 35 km.
En Indonésie, BP et ses partenaires ont annoncé un investissement de 7 milliards de dollars dans un projet de captage du carbone et de développement de champs gaziers dans la région de Papouasie, avec une production prévue à partir de 2028.
Évolutions réglementaires et obligations des entreprises
Les réglementations environnementales renforcées imposent de nouvelles obligations aux compagnies pétrolières. Aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act offre des crédits d’impôt significatifs pour les projets de CCS, incitant les entreprises à investir dans ces technologies.
En Europe, le Net-Zero Industry Act vise à renforcer la capacité de fabrication européenne dans les technologies énergétiques propres, avec un objectif de 50 millions de tonnes de capacité d’injection de CO₂ par an d’ici 2030.
Au Royaume-Uni, le gouvernement s’est engagé à investir jusqu’à 21,7 milliards de livres sterling (28,76 milliards de dollars) sur 25 ans pour soutenir les projets de CCS, dans le cadre de sa stratégie climatique visant à réduire les émissions industrielles et à créer de nouveaux emplois dans le nord de l’Angleterre.
Perspectives et défis du CCS
Malgré les avancées, le développement du CCS fait face à plusieurs défis. Les coûts associés au captage, au transport et au stockage du CO₂ restent élevés, et la viabilité économique des projets dépend souvent des subventions et des incitations fiscales. De plus, des préoccupations environnementales et sociales subsistent, notamment en ce qui concerne la sécurité des sites de stockage et l’acceptabilité sociale des projets.
Les incertitudes réglementaires et les variations des politiques gouvernementales peuvent également influencer la progression des projets. Par exemple, la dépendance aux subventions gouvernementales, comme celles prévues par l’Inflation Reduction Act aux États-Unis, expose les projets à des risques en cas de changements politiques.