L’International Energy Agency (IEA) a publié son nouveau rapport World Energy Investment 2022. Celui-ci indique que les investissements dans le pétrole, le gaz et le charbon demeurent sous les niveaux pré-pandémiques. Les investissements dans les énergies propres, eux, augmentent considérablement.
Les investissements dans les énergies propres augmentent
Le secteur de l’électricité gonfle les investissements dans les énergies propres par ses dépenses en énergies renouvelables, réseaux et stockage. En conséquence, ceux-ci devraient dépasser 1.400 milliards de dollars en 2022, soit 3/4 de la croissance des investissements dans l’énergie. Ainsi, leur taux de croissance annuel moyen atteint désormais 12%.
Dans l’ensemble, les investissements dans les énergies propres représentent environ 5% des dépenses d’investissement des sociétés pétrolières et gazières dans le monde. En 2019, ce même pourcentage n’atteignait que 1%.
En parallèle, les investissements dans le pétrole et le gaz augmentent de 10% par rapport à l’année dernière. Ils restent néanmoins bien inférieurs aux niveaux de 2019. L’IEA note que l’explosion des prix de l’énergie a peu encouragé les plans de dépenses supplémentaires dans les combustibles fossiles.
Les incertitudes transforment le marché et les dépenses
Ainsi, elle indique dans son rapport:
« L’incitation cyclique à investir en période de prix élevés est renforcée dans certaines régions par la volonté politique de diversifier l’offre de la Fédération de Russie et de répondre aux tensions du marché à court terme, mais des contraintes pèsent sur cette réactivité aux prix. »
De plus, l’IEA précise que l’incertitude politique élevée rend l’obtention de financements difficile. De fait, les entreprises hésitent à engager des capitaux importants lorsque le remboursement pourrait prendre plusieurs années. Les inquiétudes croissantes concernant l’inflation constituent un « frein à la volonté des entreprises d’augmenter leurs dépenses, malgré les signaux forts envoyés par les prix. »
En tout, les investissements mondiaux dans le secteur énergétique devraient augmenter de plus 8% en 2022. Ils atteindraient ainsi 2.400 milliards de dollars, bien plus que les niveaux pré-pandémiques.
Le gaz et le pétrole font face à un choc d’offre
La hausse des investissements ne contribuera pas à atténuer la pénurie de l’approvisionnement énergétique actuel. De fait, l’inflation, et donc les coûts représentés par les matériaux industriels et de construction, limite ses bienfaits. Or, elle alimente elle-même la hausse des prix, bouclant un cercle vicieux économique.
Selon M. Birol, directeur exécutif de l’IEA:
« Il s’agit d’une véritable reprise des dépenses, mais elle n’est pas suffisante pour nous sortir de la crise énergétique actuelle et nous préparer à un avenir climatique meilleur. »
Le rapport de l’agence intervient un jour après les mises en garde et inquiétudes exprimées au Forum international de l’énergie. Hausse de l’inflation et des coûts d’emprunts, guerre russo-ukrainienne, contrainte de la chaîne d’approvisionnement et « confusion politique »… De nombreux facteurs freinent les nouveaux investissements dans l’approvisionnement pétrolier et gazier, alors que celui est en crise.
Joseph McMonigle, secrétaire général de l’IEF, tire la sonnette d’alarme dans un communiqué. Il souligne les conséquences d’un manque d’investissements pour l’offre, au moment où le marché en a cruellement besoin :
« Une tempête croissante de nouveaux facteurs aggrave le problème du sous-investissement et crée une alerte rouge pour les marchés de l’énergie. À l’heure où la crise énergétique mondiale exige une augmentation de l’offre, le sous-investissement dans les hydrocarbures sera la principale raison des pénuries d’approvisionnement, de la hausse des prix et de la volatilité dans un avenir prévisible. »
Face à la crise, les stratégies sont variées
Les réactions des secteurs pétrolier et gazier à l’inflation varient, certains pays augmentant leurs plans de dépense pour en profiter. Selon l’IEA, les dépenses des compagnies pétrolières nationales du Moyen-Orient sont par exemple bien supérieures aux niveaux pré-pandémiques. Les principaux détenteurs de ressources cherchent ainsi à renforcer leurs capacités de réserve, qui s’amenuisent.
De fait, Saudi Armco et l’ADNOC ont annoncé augmenter leurs dépenses d’investissements d’environ 15 à 30% en 2022. En Occident, les majors américaines devraient avoir la plus forte augmentation de leurs investissements en 2022. Les dépenses d’investissement en amont prévues cette année par les majors européennes restent, elles, essentiellement stables.
Les investissements sont modifiés en amont comme en aval
L’inflation du pétrole et du gaz, et la volonté de diversifier l’approvisionnement, pourraient encourager un retour aux investissements en amont. Par ailleurs, l’activité d’exploration reste encore bien inférieure aux niveaux antérieurs à la baisse des prix du pétrole en 2015. L’IEA évoque ainsi 10 milliards de bep découverts en 2021, avec 35% moins de dépenses liées à l’exploration qu’en 2019.
En aval, les investissements dans les nouvelles raffineries et les mises à niveau ont, elles, augmenté de 30% en 2021. Cela n’a néanmoins pas suffi à compenser le nombre quasi record de 1,8 million de barils par jour de mises hors service d’installations. Selon l’IEA, ces dernières ont entraîné la première réduction de la capacité de raffinage mondiale depuis 30 ans.
« Les bons résultats financiers et les taux d’utilisation élevés observés ces derniers mois ne se traduiront pas nécessairement par des niveaux d’investissement plus élevés, étant donné l’incertitude persistante quant aux perspectives à long terme de la demande de pétrole. »
Le secteur du charbon voit quant à lui un plus fort investissement, et l’offre restreinte continue d’attirer de nouveaux projets. Environ 105 milliards de dollars ont été investis dans la chaîne d’approvisionnement en charbon en 2022. Cela représente une augmentation de 10% en glissement annuel, et une nouvelle hausse de 10% est attendue pour 2022.