La Chine a injecté plus de 80 Mds $ en investissements directs étrangers (IDE) dans les technologies bas carbone à l’étranger sur les douze derniers mois, selon plusieurs bases de données sectorielles. Depuis début 2023, le cumul dépasse 180 Mds $, une progression rapide par rapport à la vague précédente estimée à environ 100 Mds $ sur la même période. Cette dynamique reflète une volonté explicite de transférer des chaînes industrielles complètes hors du territoire chinois.
Poussée industrielle et arbitrages géopolitiques
Les IDE cleantech chinois ciblent des pays hors des juridictions occidentales, avec une forte concentration en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Ces implantations permettent de contourner les barrières tarifaires imposées par les États-Unis et l’Union européenne tout en écoulant les excédents issus de surcapacités structurelles, notamment dans les secteurs du photovoltaïque et du stockage. Environ 75 % du stock actuel d’IDE bas carbone chinois est localisé dans le Sud global.
La stratégie s’appuie sur des projets intégrés associant extraction minière, transformation, fabrication et parfois recyclage. Le conglomérat Contemporary Amperex Technology Co. Limited (CATL) a lancé un projet de 6 Mds $ en Indonésie couvrant toute la chaîne du nickel pour batteries, tandis que LONGi Green Energy Technology Co. Ltd investit aux côtés d’APPL Hydrogen dans une infrastructure solaire et hydrogène de 7,6 Mds € au Nigeria.
Structure contractuelle et pression sur les marchés
Les contrats associés à ces projets combinent souvent un investissement industriel initial et des accords d’achat à long terme (PPA), garantissant des revenus stables pour les fournisseurs chinois et une sécurisation de volumes exportés pour les pays hôtes. Cette logique permet aussi d’exporter des écosystèmes industriels complets, difficilement démontables ou remplaçables.
Les prix mondiaux des modules solaires et de certaines technologies batteries restent tirés vers le bas sous l’effet de cette surcapacité externalisée. Cette pression tarifaire freine l’essor de producteurs non chinois et pousse les développeurs hors Chine à rechercher des mécanismes de soutien public pour rester compétitifs.
Encadrement réglementaire et risques juridiques
Les autorités américaines ont inscrit CATL sur la liste des entreprises chinoises à risques militaires, tandis que l’Union européenne a engagé une enquête contre LONGi au titre du règlement sur les subventions étrangères. Si ces mesures ne bloquent pas les projets à l’étranger, elles augmentent le risque de sanctions secondaires pour les partenaires impliqués.
Des clauses de conformité et de re-routage des chaînes d’approvisionnement sont désormais intégrées dans les contrats afin de limiter l’exposition aux mesures extraterritoriales. Les entreprises co-investissant dans ces projets doivent adapter leur gouvernance pour se prémunir contre les sanctions financières, les restrictions commerciales ou les obstacles réglementaires.
Reconfiguration industrielle et dépendances durables
La stratégie chinoise installe des dépendances techniques et financières durables entre ses entreprises et les pays du Sud global. Cette logique de « verdissement » de l’initiative Belt and Road se traduit par une reconfiguration de la géopolitique industrielle de l’énergie. Plusieurs États producteurs d’hydrocarbures, notamment dans le Golfe et au Nigéria, intègrent ces technologies dans leurs plans de diversification tout en conservant leurs flux pétroliers vers l’Occident.
Les développeurs non chinois sont confrontés à des offres concurrentes très compétitives, adossées à des financements souverains chinois. Dans les régions ciblées, les projets cleantech chinois redessinent les structures de marché, déplacent les centres de gravité industriels et rendent plus difficile l’émergence de chaînes d’approvisionnement alternatives.