Les interconnexions et leur développement stratégique

Les interconnexions ont transformé les systèmes énergétiques mondiaux, favorisant la coopération transfrontalière et la stabilité économique. Basé sur les recherches de l'Oxford Energy Institute, cet article met en lumière les accords clés, les avancées technologiques et les stratégies diplomatiques derrière ces infrastructures transformatrices.

Partager:

Toute l'actualité de l'énergie en continu

Abonnement annuel

8.25$/mois*

*facturé annuellement à 99 $ la première année, puis 149$/an

Accès illimité • Archives incluses • Facture pro

AUTRES ACCES

Abonnement mensuel

Accès illimité • Archives incluses pendant 1 mois

5.2$/mois*
puis 14.90$ les mois suivant

COMPTE GRATUIT​

3 articles offerts par mois

GRATUIT

*Les prix affichés sont entendus HT, TVA variable en fonction de votre localité ou de votre statut professionnel

Depuis 2021 : 35 000 articles • +150 analyses/sem.

Les interconnexions électriques constituent depuis longtemps un pilier essentiel pour assurer la stabilité et la fiabilité de nombreux réseaux nationaux. Dès les années 1920, certains pays d’Europe ont entamé des négociations pour relier leurs infrastructures afin de partager leurs surplus énergétiques. Des accords initiaux, tels que celui entre la Suisse et la France en 1924, ont ouvert la voie à la création de liaisons transfrontalières durables. Les premiers projets, souvent limités par la technologie disponible, ont néanmoins établi un précédent pour la coopération internationale.

Les premières initiatives et l’émergence d’acteurs majeurs

La création de l’Union pour la Coordination de la Production et du Transport de l’Électricité (UCPTE) en 1951 a rassemblé plusieurs compagnies publiques et privées déterminées à optimiser les échanges d’énergie. Les représentants gouvernementaux de la France, de l’Italie, de l’Allemagne de l’Ouest et de la Suisse ont soutenu cette initiative, estimant qu’elle permettrait de mieux répartir les charges de production. Les installations inaugurées dans les années 1950 incluaient des lignes à haute tension conçues pour transporter plusieurs centaines de mégawatts à travers des territoires montagneux. Cette période a vu l’émergence de consortiums impliquant des entreprises publiques, favorisant le développement rapide de l’infrastructure interconnectée.

Au début des années 1960, l’émergence des liaisons à courant continu haute tension (HVDC) a révolutionné la façon de transporter l’électricité sur de longues distances. Le projet reliant la France et le Royaume-Uni, lancé en 1961 par le Central Electricity Generating Board et Électricité de France (EDF), a marqué un jalon important pour l’époque. Cette initiative a bénéficié du soutien technique de groupes d’ingénieurs britanniques et français, qui ont contribué à la standardisation progressive des câbles sous-marins. Par la suite, la fiabilité de ces infrastructures a encouragé d’autres pays à envisager des connexions similaires, toujours dans une optique de diplomatie énergétique.

L’expansion vers des interconnexions multi-continentales

L’ouverture progressive de marchés extérieurs a conduit à des projets reliant l’Europe à l’Afrique du Nord, dont l’interconnexion entre l’Espagne et le Maroc est un exemple marquant. Dès 1997, Red Eléctrica de España et l’Office National de l’Électricité marocain ont validé un accord pour une ligne sous-marine de 400 MW. Les échanges se sont intensifiés au cours des années suivantes, favorisés par des négociations techniques portant sur la répartition de la capacité et la maintenance commune des équipements. Cette interconnexion a permis au Maroc de bénéficier de l’expertise européenne, tout en offrant à l’Espagne une flexibilité supplémentaire dans ses échanges transfrontaliers.

Parallèlement, la Tunisie et l’Italie ont amorcé des études de faisabilité dès 2003 pour relier leurs réseaux via une liaison sous-marine. Terna, l’opérateur italien de transport d’électricité, et la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG) ont validé en 2007 les paramètres techniques pour un tracé d’environ 200 kilomètres. Les ingénieurs impliqués se sont concentrés sur les contraintes sismiques de la région, prévoyant une capacité initiale de 600 MW extensible à 1 000 MW. Cette coopération transméditerranéenne, encouragée par des institutions financières internationales, avait pour objectif de dynamiser les échanges et de stabiliser la demande en période de pointe.

La place des marchés réglementés et libéralisés

L’intégration de marchés électriques réglementés et libéralisés soulève des questions sur l’allocation des capacités et les modalités de tarification. Au Canada, la province de l’Ontario a commencé à libéraliser son marché électrique en 2002, alors que le Québec est resté sous un modèle réglementé dominé par Hydro-Québec. Les premières négociations d’échange transfrontalier, initiées bien avant la libéralisation, ont pris en compte les profils de consommation différents dans chaque province. De ce fait, l’obligation pour Hydro-Québec de fournir un accès équitable aux producteurs indépendants s’est heurtée à des contraintes liées à la tarification et à la gestion du réseau.

En Europe, la mise en place de directives visant la libéralisation du marché de l’électricité, commencée en 1996 puis renforcée en 2003, a transformé la gestion des interconnexions. La Commission européenne a imposé l’accès non discriminatoire aux réseaux, tandis que l’Agence de Coopération des Régulateurs de l’Énergie (ACER) a supervisé l’harmonisation des règles. Les gestionnaires de réseaux de transport, réunis au sein de l’ENTSO-E (European Network of Transmission System Operators for Electricity), ont défini des protocoles standardisés pour optimiser les échanges transfrontaliers. Cette approche unifiée a permis de réduire les barrières réglementaires et de garantir une meilleure transparence dans l’allocation des capacités, même si certaines asymétries subsistent entre pays.

Les enjeux financiers et la répartition des bénéfices

La construction d’infrastructures transfrontalières exige d’importants capitaux, souvent mobilisés via des partenariats entre gouvernements, banques de développement et opérateurs privés. La Banque européenne d’investissement s’est, par exemple, engagée dans le financement de multiples projets reliant la France à l’Angleterre dès les années 1970, puis a soutenu des extensions vers la Belgique et les Pays-Bas. De leur côté, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement ont joué un rôle similaire pour encourager des interconnexions en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. La négociation de contrats longue durée, combinée à des accords de partage de revenus de congestion, a permis de réduire le risque pour les investisseurs tout en garantissant une répartition transparente des bénéfices.

L’attribution de capacités transfrontalières s’effectue souvent par le biais d’enchères explicites ou implicites, contribuant à définir un prix de congestion qui reflète la rareté de la capacité disponible. En Europe, le couplage des marchés journaliers a été progressivement introduit dans les années 2000, culminant en 2014 avec un marché unique pour la plupart des États membres. Cette évolution a nécessité l’harmonisation des plateformes de négociation et une coordination étroite entre bourses de l’énergie et gestionnaires de réseaux. Les recettes issues de ces enchères ont ensuite été investies dans la maintenance et l’extension des interconnexions, ce qui a permis de renforcer la fiabilité du système électrique paneuropéen.

Perspectives d’évolution et stratégies diplomatiques

En Eurasie, la Turquie et la Géorgie ont signé des protocoles de coopération en 1996 pour mieux coordonner leurs installations, avec un projet d’interconnexion concrétisé en 2002. La société Turkish Electricity Transmission Corporation (TEİAŞ) a travaillé conjointement avec le ministère géorgien de l’Énergie pour adapter les normes techniques et assurer une synchronisation progressive des réseaux. Des prêts ont été octroyés par des institutions régionales pour financer les travaux d’infrastructure, incluant la construction de postes de transformation compatibles. Ce rapprochement a renforcé la position de la Géorgie, qui a cherché à ouvrir son marché aux investisseurs étrangers et à diversifier ses exportations d’hydroélectricité.

Dans une optique plus large, la notion de “supergrid” européenne a commencé à prendre forme autour de 2010, soutenue par des consortiums industriels et des organisations gouvernementales. Le projet Desertec, lancé en 2009, visait notamment à exploiter l’énergie solaire d’Afrique du Nord pour l’exporter vers l’Europe via de vastes réseaux à courant continu. Plusieurs groupes d’experts ont évalué la faisabilité économique de ces interconnexions, insistant sur la nécessité de conclure des accords politiques à long terme. Les partenaires institutionnels ont également souligné l’importance de clauses garantissant la répartition équitable des bénéfices et la protection des écosystèmes locaux.

Facteurs clés pour optimiser les infrastructures et limiter les asymétries

La mise en place de mécanismes d’allocation transparents constitue un levier essentiel pour optimiser l’usage des interconnexions. Lorsque les réservations de capacité privilégient les énergies renouvelables, les bénéfices environnementaux peuvent se cumuler à des avantages économiques pour les fournisseurs d’électricité verte. Les instances de régulation, qu’il s’agisse de commissions nationales ou d’organismes régionaux, veillent à ce que les règles soient équitables et cohérentes. Cet encadrement formel réduit les abus potentiels, tout en encourageant les initiatives visant à accroître la capacité installée et la diversité de l’offre.

Dans les marchés encore partiellement réglementés, certains opérateurs historiques conservent un pouvoir de marché qui peut freiner l’accès des acteurs indépendants aux infrastructures transfrontalières. Les négociations bilatérales entre gouvernements et compagnies nationales cherchent souvent à imposer des quotas d’exportation ou d’importation, influençant ainsi les prix. Au Canada, le modèle d’Hydro-Québec illustre les difficultés rencontrées pour garantir une véritable concurrence, malgré l’existence de protocoles de partage de capacité avec l’Ontario. L’équilibre reste délicat entre la volonté d’ouvrir les réseaux et la nécessité de préserver des tarifs stables pour les consommateurs locaux.

Exemples d’accords historiques et perspectives pour les années à venir

Plusieurs accords historiques, comme celui signé en 1987 entre la France et l’Espagne pour doubler la capacité de transit, ont ouvert la voie à une intégration plus poussée. En 1992, l’Allemagne et la Pologne ont également officialisé un protocole de coordination électrique, impulsé par la volonté de moderniser les infrastructures est-européennes. Ces initiatives, soutenues par des programmes financés dans le cadre de l’Acte unique européen de 1986, ont élargi la coopération technique et réglementaire. Les évaluations de l’époque ont mis en avant l’importance stratégique de ces ententes pour améliorer la sécurité d’approvisionnement et la résilience face aux aléas climatiques.

Dans les années récentes, la Commission européenne a fixé un objectif d’interconnectivité à hauteur de 15 %, encourageant des projets d’extension et de modernisation des lignes existantes. La poursuite de ces objectifs implique d’augmenter la part des énergies bas carbone, mais aussi de développer des outils numériques pour gérer la variabilité de la production éolienne et solaire. En Asie, certains consortiums envisagent d’améliorer les réseaux transfrontaliers entre la Chine, la Corée du Sud et le Japon, avec un accent sur la sécurité énergétique régionale. Les partenaires impliqués examinent différents scénarios afin de minimiser les déséquilibres tarifaires et d’anticiper les possibles tensions géopolitiques.

Washington verrouille la Grèce comme pivot gazier euro-atlantique face à Moscou et Pékin

Les États-Unis ancrent leur présence énergétique en Méditerranée orientale, en consolidant un corridor gazier via la Grèce vers l’Europe centrale, au détriment des flux russes et de l’influence logistique chinoise sur le port du Pirée.

France et Chine préparent un groupe climat pour sécuriser nucléaire et cleantech

Paris et Pékin s’accordent sur la création d’un groupe de travail bilatéral climat, centré sur les technologies nucléaires, les énergies renouvelables et le maritime, dans un contexte de tensions commerciales croissantes entre la Chine et l’Union européenne.

La Turquie vise des parts dans le gaz américain pour renforcer ses exportations vers l’Europe

Ankara prévoit d’investir dans la production de gaz aux États-Unis afin de sécuriser son approvisionnement en GNL et de devenir un fournisseur clé pour le sud de l’Europe, selon le ministre turc de l’Énergie.
en_11404441230540

Ankara alerte sur la sécurité énergétique après des attaques contre des tankers russes

Trois navires russes visés au large de la Turquie ravivent les inquiétudes d’Ankara quant à la sécurité de l’approvisionnement gazier et pétrolier en mer Noire, ainsi que la vulnérabilité de ses infrastructures sous-marines.

La Roumanie place Lukoil sous contrôle temporaire pour éviter une crise énergétique

Bucarest autorise une prise en main exceptionnelle des actifs locaux de Lukoil, afin d’éviter un choc d’approvisionnement tout en respectant les sanctions internationales visant le groupe russe. Trois repreneurs sont déjà en discussions avancées.

L’Union européenne réclame des garde-fous dans l’accord douanier avec les États-Unis

Les gouvernements européens souhaitent intégrer des clauses de sauvegarde et un mécanisme de révision dans l'accord commercial conclu avec Washington afin de limiter les risques d’un afflux de produits américains sur leur marché.
en_1140290956540

Une frappe de drone neutralise Khor Mor et provoque un effondrement électrique au Kurdistan

Le champ gazier de Khor Mor, opéré par Pearl Petroleum, a été frappé par un drone armé, interrompant la production et provoquant des coupures d’électricité touchant 80 % de la capacité énergétique du Kurdistan irakien.

Les Émirats arabes unis lancent un plan énergétique de 1 milliard $ au Yémen

Global South Utilities investit 1 milliard $ dans de nouveaux projets solaires, éoliens et de stockage pour renforcer les capacités énergétiques du Yémen et étendre son influence dans la région.

Le Royaume-Uni et FirstRand mobilisent $150mn pour accélérer la transition énergétique africaine

British International Investment et FirstRand s’allient pour financer la décarbonation des entreprises africaines, à travers une facilité ciblée sur le soutien aux secteurs les plus émetteurs de carbone.
en_114026261138540

La Hongrie s’engage à soutenir la Serbie après l’arrêt des livraisons de pétrole

Budapest se mobilise pour assurer l’approvisionnement pétrolier serbe, menacé par la suspension des flux via la Croatie après les sanctions américaines contre la raffinerie NIS, détenue majoritairement par la Russie.

La Russie intensifie son rapprochement énergétique avec la Chine malgré les sanctions

Moscou affirme vouloir accroître ses exportations de pétrole et de gaz naturel liquéfié vers Pékin, tout en consolidant la coopération bilatérale dans un contexte de restrictions américaines visant les producteurs russes.

La BEI engage 2 Mds€ pour renforcer l’influence énergétique de l’UE en Afrique

La Banque européenne d’investissement mobilise 2 Mds€ de financements garantis par la Commission européenne pour des projets énergétiques en Afrique, avec un objectif stratégique inscrit dans la diplomatie énergétique de l’Union européenne.
en_11402411136540

Les recettes pétro-gazières russes chutent de 35 %, lestées par les sanctions

La Russie subit une baisse structurelle de ses revenus énergétiques alors que les sanctions renforcées contre Rosneft et Lukoil fragilisent les flux commerciaux et aggravent le déficit budgétaire fédéral.

Les États-Unis frappent la logistique pétrolière iranienne et exposent les acteurs asiatiques

Washington impose de nouvelles sanctions ciblant navires, armateurs et intermédiaires en Asie, rendant plus risqué le commerce de pétrole iranien et redéfinissant le périmètre de conformité maritime dans la région.

Washington autorise les flux vers Paks II et insère des intérêts américains dans le nucléaire hongrois

La licence OFAC sur Paks II permet de contourner les sanctions contre Rosatom en échange d’un ancrage technologique américain, reconfigurant l’équilibre d’intérêts entre Moscou, Budapest et Washington.
en_1140221128540

Les petits États de l’UE renforcent leur influence énergétique en Afrique via Global Gateway

Finlande, Estonie, Hongrie et Tchéquie multiplient les initiatives bilatérales en Afrique pour capter des projets énergétiques et miniers stratégiques dans le cadre du programme européen Global Gateway.

Lula défend une sortie des fossiles sans contrainte face aux tensions à la COP30

Le président brésilien plaide pour une transition énergétique volontaire et sans échéance fixe, tout en évitant d’affronter les intérêts des pays producteurs lors des discussions de la COP30 à Belém.

L’Afrique subsaharienne capte 2,3 % des investissements mondiaux en renouvelable en 2024

La région n’a attiré qu’une faible part des capitaux mondiaux dédiés aux énergies renouvelables en 2024, malgré des besoins élevés et des objectifs de développement importants, selon un rapport publié en novembre.
en_114018181125540

Washington renforce son accord nucléaire avec Séoul et ouvre l’accès à l’enrichissement

Les États-Unis approuvent le développement par la Corée du Sud de capacités civiles d’enrichissement de l’uranium et soutiennent un projet de sous-marins nucléaires, élargissant un partenariat stratégique déjà lié à un accord commercial majeur.

Les ministres des Finances de l’UE valident le prêt de réparation adossé aux actifs russes gelés

Les Vingt-Sept s’accordent pour privilégier le mécanisme de prêt basé sur les avoirs russes immobilisés afin de financer l’aide à l’Ukraine, réduisant l’impact budgétaire national tout en garantissant une capacité de financement renforcée.

Toute l'actualité de l'énergie en continu

Abonnement annuel

8.25$/mois*

*facturé annuellement à 99 $ la première année, puis 149$/an

Accès illimité • Archives incluses • Facture pro

Abonnement mensuel​

Accès illimité • Archives incluses pendant 1 mois

5.2$/mois*
puis 14.90$ les mois suivant

*Les prix affichés sont entendus HT, TVA variable en fonction de votre localité ou de votre statut professionnel

Depuis 2021 : 30 000 articles • +150 analyses/sem.