L’un des principaux obstacles à l’expansion des énergies renouvelables aux États-Unis est l’insuffisance des infrastructures de transmission électrique. Actuellement, le réseau est divisé en dix régions distinctes, ce qui limite la capacité de transporter l’énergie produite dans les zones rurales vers les centres de consommation. Selon Jason Grumet, directeur général de l’American Clean Power, cette fragmentation compromet les objectifs de transition énergétique du pays.
Les régions riches en énergies renouvelables, comme le Midwest et le Texas, disposent d’une production excédentaire d’électricité éolienne et solaire, mais l’absence de lignes de transmission longue distance entrave la distribution vers les zones urbaines de la côte Est, où la demande est forte. Ce déséquilibre structurel engendre des coupures de courant fréquentes et met en lumière les risques de sécurité énergétique, aggravés par la fréquence accrue des événements climatiques extrêmes.
Besoin urgent de réformes réglementaires
Pour répondre aux exigences d’un réseau plus flexible et résilient, les acteurs de l’industrie estiment qu’une réforme en profondeur de la réglementation est nécessaire. Les projets de nouvelles lignes de transmission font face à des retards de plusieurs années en raison de procédures d’approbation complexes, ainsi que de l’opposition de certaines communautés locales. L’absence de coordination fédérale ajoute également un niveau de complexité supplémentaire.
Les récentes réformes introduites par l’Inflation Reduction Act (IRA) incluent des incitations pour l’expansion des infrastructures énergétiques, mais ces mesures ne suffisent pas à résoudre les goulets d’étranglement structurels actuels. Les obstacles administratifs continuent de freiner la réalisation de projets majeurs, retardant l’intégration des énergies renouvelables et, par conséquent, les efforts de décarbonation du pays.
Transition énergétique et rôle du gaz naturel
Parallèlement, le rôle du gaz naturel reste central dans le mix énergétique américain. Alors que le gaz est perçu comme un « pont » vers un réseau entièrement décarboné, sa présence est devenue indispensable pour stabiliser l’offre d’électricité en période de transition. Les opérateurs de réseau, dont PJM Interconnection, soulignent que la fermeture rapide des centrales à charbon, couplée à une augmentation de la demande d’électricité, exerce une pression supplémentaire sur les infrastructures existantes.
La situation est encore plus critique dans les régions dépendantes du gaz, comme New York et la Nouvelle-Angleterre, où près de 60 % de l’électricité est produite par des centrales à gaz ou des installations à double combustible. Malgré la montée en puissance des énergies renouvelables, les experts avertissent que l’absence de ressources de stockage adéquates et de capacités de transmission complètes pourrait entraîner une volatilité accrue des prix de l’électricité.
Opportunités et défis de l’IRA
L’Inflation Reduction Act, adopté en 2022, constitue une tentative significative pour rediriger les investissements vers des infrastructures énergétiques plus modernes. Le plan, axé principalement sur les énergies renouvelables, propose des crédits d’impôt pour les projets de transmission et de stockage. Cependant, la répartition inégale de ces avantages génère des tensions politiques, 80 % des crédits bénéficiant à des districts républicains.
Malgré les craintes initiales sur la viabilité de l’IRA, les perspectives de financement et de soutien à long terme restent positives. Les défis, cependant, ne se limitent pas à la question du financement : la dépendance aux chaînes d’approvisionnement étrangères, notamment à la Chine, pose également un risque de ralentissement pour la mise en œuvre des projets.
Vers un nouveau modèle de réseau ?
Pour pallier ces déficits, certains experts recommandent une refonte complète du réseau, visant à le transformer en une infrastructure nationale intégrée, capable de transporter efficacement l’électricité à travers le pays. La transition vers un réseau plus interconnecté nécessitera de surmonter les barrières politiques et économiques actuelles, ainsi qu’une volonté collective des différents acteurs.
À court terme, les entreprises énergétiques, y compris celles historiquement centrées sur les combustibles fossiles, adaptent progressivement leurs stratégies pour intégrer davantage de sources renouvelables. Toutefois, sans un investissement massif dans les infrastructures de transmission, ces efforts risquent de rester limités et de compromettre l’ensemble des ambitions de décarbonation des États-Unis.