Les cours du pétrole brut poursuivent leur recul face à des prévisions de surabondance, mais la divergence croissante des estimations sur la production de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) pourrait enrayer une baisse prolongée. Le contrat spot sur le Brent s’échangeait autour de 61 $ le baril, atteignant son plus bas niveau depuis mai.
Simultanément, les contrats à terme pour livraison en février se négocient à un prix inférieur à ceux à échéance plus lointaine, indiquant une structure dite en contango. Cette configuration traduit l’acceptation par les marchés d’un scénario excédentaire en 2025, alimenté par une hausse des capacités de production à l’échelle mondiale, notamment parmi les membres de l’alliance OPEP+.
Des projections divergentes sur le volume de production
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a récemment annoncé un excédent de 2,35 millions de barils par jour (b/j) pour 2025, et jusqu’à 4 millions b/j pour l’année suivante, soit près de 4 % de la demande mondiale. Ces prévisions contrastent fortement avec celles de l’OPEP, qui continue d’anticiper un équilibre entre l’offre et la demande.
Ce décalage s’explique en partie par une accumulation exceptionnelle des stocks, principalement alimentée par la Chine. Depuis mars, les réserves mondiales observées ont augmenté de 225 millions de barils, atteignant en août un pic inédit depuis quatre ans. Ce stockage massif, effectué dans des zones où la transparence des données reste faible, a alimenté la prudence des marchés.
Une opacité croissante au sein du cartel pétrolier
La volatilité actuelle du marché est amplifiée par l’incertitude entourant la production réelle de l’OPEP. Morgan Stanley a relevé en septembre un écart de 2,5 millions b/j entre les estimations des principales agences et cabinets spécialisés, soit environ 9 % de la production du cartel. Ce manque de clarté marque un changement notable, alors que les écarts étaient négligeables jusqu’à récemment.
Même au sein de l’organisation, les chiffres peinent à être consolidés. Le ministre du Pétrole du Koweït a indiqué que l’OPEP missionnera prochainement un cabinet indépendant pour auditer les capacités de production des États membres, une démarche inédite pour le groupe.
Un marché de l’ombre complique la lecture des flux
Parallèlement, la visibilité sur les flux pétroliers mondiaux diminue. Les sanctions occidentales contre le secteur énergétique russe ont engendré un marché parallèle difficile à quantifier. L’absence de données officielles sur les niveaux de stockage chinois renforce cette opacité. L’AIE a ainsi indiqué dans son dernier rapport mensuel être incapable de localiser 1,47 million b/j de brut, une lacune significative dans le suivi des mouvements mondiaux.
Face à cette incertitude, les producteurs pourraient ajuster leurs investissements. Aux États-Unis, le nombre de forages actifs a reculé de 13 % depuis le début de l’année, selon la société de services énergétiques Baker Hughes. Néanmoins, les majors comme Chevron et TotalEnergies ne montrent pas encore de signes de réduction majeure de leurs dépenses, suggérant une anticipation d’un repli de courte durée plutôt qu’une contraction prolongée.
Dans un marché aussi fragmenté, l’indécision des investisseurs pourrait suffire à maintenir un plancher sous les prix du brut tant que les données ne confirmeront pas une accumulation massive de stocks.