La demande mondiale en biocarburants devrait atteindre 825 millions de tonnes par an d’ici 2030, selon le rapport Renewables 2025 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce volume représente une hausse de 25 % par rapport à 2024. L’AIE indique que les biocarburants pourraient représenter 27 % de la production mondiale d’huiles végétales et 80 % de l’offre d’huiles de déchets et résidus à la fin de la décennie.
Forte dépendance aux importations
Depuis 2020, les importations d’huiles usagées vers l’Union européenne et les États-Unis ont été multipliées par 20. Environ 60 % de ces flux proviennent de Chine et d’Indonésie. Ce développement rapide soulève des préoccupations sur la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement. L’AIE souligne notamment que les États-Unis, autrefois exportateurs nets, sont devenus importateurs nets en raison de l’essor du diesel renouvelable et du carburant d’aviation durable (SAF).
Les nouvelles obligations de mélange en Europe, fixant un objectif de 6 % pour les carburants d’aviation d’ici 2030, ainsi que les normes maritimes et les incitations à faible intensité carbone renforcent la demande pour ces huiles. Celles-ci sont particulièrement recherchées en raison de leur profil d’émissions favorable sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Stratégies régionales divergentes
L’importation de matières premières reste globalement limitée à 10 % de la demande mondiale, mais des différences régionales apparaissent. L’Indonésie et le Brésil conservent une autonomie grâce à la disponibilité locale d’huile de palme et de canne à sucre. À l’inverse, les marchés européens et nord-américains s’appuient de plus en plus sur des importations pour atteindre leurs objectifs de carburants renouvelables.
L’Europe demeure le premier centre de demande pour les huiles usagées, même si l’Asie du Sud-Est accroît aussi sa consommation pour alimenter les capacités de raffinage de Singapour. En juillet 2025, les prix des huiles usagées dans l’Union européenne ont atteint leur plus haut niveau depuis deux ans, tandis que les contrats à terme sur l’huile de soja aux États-Unis ont progressé de 20 %.
Renforcement des contrôles réglementaires
Face aux tensions sur l’approvisionnement, les autorités européennes et américaines ont renforcé leur cadre de régulation. La Commission européenne a lancé une base de données commune pour les biocarburants afin de garantir la traçabilité et éviter les comptages en double. Le système de certification ISCC (International Sustainability and Carbon Certification) a suspendu les certificats de plus de 130 entreprises et revu ses procédures d’audit.
Aux États-Unis, le texte législatif One Big Beautiful Bill Act a supprimé les crédits fiscaux pour les biocarburants importés, sauf ceux en provenance du Canada et du Mexique. Les mises à jour proposées du Renewable Fuel Standard réduisent également de moitié la valeur des crédits pour les biocarburants issus de matières premières importées.
Offre limitée de matières avancées
Malgré l’intérêt croissant pour les carburants de nouvelle génération, les filières utilisant des matières premières avancées restent marginales. Dans le scénario accéléré de l’AIE, les volumes de bioéthanol cellulosique et de carburants Fischer-Tropsch pourraient quadrupler, atteignant 45 millions de tonnes par an en 2030.
L’usage de biomasse lignocellulosique et d’alcools devrait rester cantonné à certains marchés comme le Royaume-Uni et l’Union européenne. Les contraintes technologiques et économiques continuent de freiner le déploiement à grande échelle de ces solutions.
La concurrence entre secteurs s’accentue
Même si les carburants d’aviation durable ne représenteront que 2 % de la demande totale en matières premières d’ici 2030, leur croissance exerce une pression directe sur l’offre déjà limitée d’huiles usagées. L’AIE estime que 55 % des intrants pour les SAF proviendront d’huiles de déchets, notamment en raison de leur éligibilité dans les dispositifs CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) et ReFuelEU Aviation.
Cette compétition entre le transport routier et l’aviation pour les mêmes matières premières premium pourrait entraîner une volatilité accrue des prix jusqu’à la fin de la décennie.
Scénario accéléré et contraintes structurelles
Dans son scénario accéléré, l’AIE envisage une hausse supplémentaire de 125 millions de tonnes de la demande en matières premières, portant le total à 950 millions de tonnes par an à l’horizon 2030. Pour y répondre, des stratégies coordonnées seraient nécessaires, combinant optimisation des rendements agricoles, cultures en rotation ou sur terres dégradées et développement de technologies émergentes.
Malgré ces tensions, l’AIE prévoit une hausse de la consommation de biocarburants de 43 milliards de litres d’ici 2030. Toutefois, elle note que de nombreux producteurs, notamment de biodiesel, diesel renouvelable et SAF, ont connu des marges faibles, voire négatives, en 2025.
Les normes fondées sur la performance devraient représenter un tiers de la demande totale en biocarburants d’ici 2030, contre moins de 20 % en 2024, à mesure que les gouvernements privilégient des politiques de réduction des émissions plutôt que des obligations volumétriques.