Les fonds d’investissement actifs sur le marché carbone européen ont augmenté leurs positions longues nettes à 28,9 millions de quotas d’émission européens (European Union Allowances – EUA) au 8 août, selon le rapport Commitment of Traders publié le 13 août par l’Intercontinental Exchange. Cette hausse de 39,09% en une semaine marque le niveau le plus élevé depuis début avril, avec des positions longues brutes de 65,97 millions d’EUA contre 37,11 millions de positions courtes. Les gestionnaires accumulent ces positions pour la troisième semaine consécutive, réagissant aux clarifications sur le calendrier d’enchères et aux développements commerciaux entre l’Union européenne et les États-Unis. Un trader du marché carbone confirme que l’accord commercial et le calendrier d’enchères ont créé de la clarté, permettant aux EUA de tester prudemment la hausse.
Prix contenus dans une fourchette étroite
Les EUA s’échangeaient à 71,62 euros par tonne de CO2 équivalent le 13 août à 14h52 heure de Londres, en baisse de 2,17% par rapport à la séance du 8 août selon les données ICE. Cette correction suit une période de construction de positions longues qui a poussé les prix depuis les 52 euros atteints en février, niveau le plus bas depuis 2021. Un second trader suggère des prises de bénéfices entre la publication du rapport COT et la séance du 13 août, compte tenu de l’ampleur des positions longues accumulées. Platts, division de S&P Global Commodity Insights, évalue les EUA pour livraison décembre dans une fourchette de 69 à 73 euros depuis début juillet, reflétant cette stabilisation.
La demande reste affectée par la saison estivale avec de nombreux participants attendus de retour seulement en septembre. L’offre demeure abondante avant les retraits anticipés liés au Market Stability Reserve (MSR) prévus plus tard en septembre. Le MSR retirera 275,5 millions d’EUA des enchères entre septembre 2025 et août 2026, selon la communication de la Commission européenne du 28 mai 2025. Les émissions du secteur électrique ont diminué de 19% entre 2022 et 2023, entraînant une réduction estimée à 16,5% des émissions totales couvertes par le système d’échange de quotas européen (EU Emissions Trading System – EU ETS).
Anticipations divergentes sur le sommet Alaska
Les opérateurs surveillent le sommet prévu le 15 août entre les présidents américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine en Alaska. Un trader interrogé indique qu’un accord sur l’Ukraine soutiendrait les prix du gaz naturel, de l’électricité et du carbone. Le sentiment reste toutefois pessimiste quant aux probabilités d’une percée diplomatique majeure selon les sources de marché consultées. Les attentes divergent sur l’impact potentiel de cette rencontre sur les marchés énergétiques européens, alors que l’Ukraine et l’Union européenne craignent d’être marginalisées dans les négociations.
Parallèlement, les discussions sur la liaison des systèmes d’échange britannique et européen progressent depuis l’accord de principe annoncé le 19 mai 2025. Le Conseil européen a autorisé l’ouverture de négociations formelles le 16 juillet 2025. Cette perspective a réduit l’écart de prix entre les UK Allowances et les EUA, passant de plus de 35 livres sterling en janvier à environ 6,50 livres actuellement. Le marché britannique affiche également des positions longues nettes de 18,3 millions de quotas, en hausse de 4,56% sur la semaine, représentant un plus haut de deux mois selon les données ICE.
Transformation structurelle de la demande sectorielle
Le secteur aérien perd progressivement ses allocations gratuites avec une réduction de 25% appliquée en 2024, suivie de 50% en 2025 avant suppression complète en 2026. Cette transition forcera les compagnies aériennes à acheter environ 18,4 millions d’EUA supplémentaires en 2024 et 36,8 millions en 2025 sur le marché. Le transport maritime, inclus dans l’EU ETS depuis 2024, doit couvrir 40% de ses émissions cette année, proportion qui augmentera à 70% en 2025 puis 100% en 2026. Les armateurs commencent à constituer des positions pour couvrir ces obligations croissantes qui représenteront environ 78,4 millions de tonnes de CO2 annuelles à pleine capacité.
Les volumes REPowerEU continuent de peser sur l’équilibre offre-demande avec 86,685 millions d’EUA programmés aux enchères en 2025 et 58 millions en 2026. La Commission européenne a confirmé le 21 novembre 2024 qu’aucun ajustement des volumes ne serait effectué avant septembre 2025, malgré la pression baissière sur les prix. Les brokers anticipent un maintien des prix dans la fourchette 69-73 euros à court terme, avec un risque de test des 60 euros si la production industrielle européenne reste déprimée. Les analystes projettent néanmoins une remontée vers 75 euros en moyenne pour 2025, puis un rallye vers 100 euros d’ici 2029-2030 lorsque l’offre se resserrera avec la fin progressive des allocations gratuites pour les secteurs couverts par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à partir de 2026.