Les fonds d’investissement opérant sur les marchés énergétiques européens réorientent massivement leurs positions, réduisant leur exposition au gaz naturel au profit des quotas d’émission de l’Union européenne, alors qu’une vague d’approvisionnements en gaz naturel liquéfié (GNL) est attendue dès l’an prochain.
La corrélation entre gaz et carbone s’effondre
La relation historique entre les prix du gaz naturel et ceux des quotas carbone de l’Union européenne (EUAs, European Union Allowances) s’est considérablement affaiblie depuis le deuxième trimestre. Alors que la corrélation atteignait 0,91 au premier trimestre 2025, elle est désormais tombée à -0,41, inversant la dynamique habituelle. Cette rupture s’explique en partie par la chute du contrat à terme néerlandais TTF, en recul de 40 % depuis le début de l’année.
Parallèlement, les EUAs ont franchi à la hausse le seuil psychologique de EUR80/tCO2e, soutenus par des prévisions de réduction de l’offre à partir de 2026. Selon le dernier rapport hebdomadaire de l’ICE pour la semaine se terminant le 14 novembre, les fonds ont réduit leurs positions longues nettes sur les contrats gaziers néerlandais de 36 %, à 15,6 millions de lots. À l’inverse, les positions longues nettes sur le marché carbone ont atteint 102 millions de lots, leur plus haut niveau depuis mai 2021.
L’afflux de GNL pèse sur le marché du gaz
Le recul des prix du gaz est alimenté par une arrivée continue de GNL en Europe, combinée à des niveaux de stockage élevés et une demande modérée. Les stocks de gaz dans l’Union européenne atteignent environ 79 % de leur capacité, selon les données de Gas Infrastructure Europe, réduisant les risques d’achat d’urgence durant l’hiver.
Le prix du GNL pour une livraison en janvier vers le nord-ouest de l’Europe a été évalué à $9.756/MMBtu le 21 novembre, soit une décote de $0.45/MMBtu par rapport au TTF. Les exportations américaines de GNL ont atteint un record de 10,45 millions de tonnes en octobre, en hausse de 36 % sur un an, avec 78 % des volumes dirigés vers l’Europe.
Réduction de l’offre de quotas attendue
Du côté du marché carbone, la perspective d’un resserrement de l’offre alimente l’intérêt des investisseurs. Le mécanisme de réserve de stabilité du marché (Market Stability Reserve) doit retirer des quotas de la circulation à partir de l’an prochain. La réduction attendue des enchères primaires est estimée à 1 % d’ici à 2026.
Dans le cadre du plan REPowerEU, la fin des enchères supplémentaires et l’extension du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism) viendront également limiter l’accès au marché. Aucun quota gratuit ne sera attribué au secteur aérien, tandis que le secteur maritime sera intégré progressivement.
Selon les projections de S&P Global Energy Horizons, le prix moyen des EUAs devrait atteindre EUR85/tCO2e en 2026, une évolution soutenue par la contraction prévue de l’offre sur le marché primaire.