La Chambre des représentants des États-Unis a adopté, le 12 décembre, le projet de loi H.R.3668 qui modifie en profondeur le régime d’autorisation des gazoducs inter-États. Ce texte retire aux États leur capacité à bloquer des projets énergétiques via la section 401 du Clean Water Act (CWA), conférant un pouvoir décisionnel centralisé à la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), l’autorité fédérale de régulation de l’énergie.
Un changement de hiérarchie dans le processus d’autorisation
La réforme repose sur un principe de primauté fédérale. La certification environnementale des États, auparavant indispensable, n’est plus requise pour l’obtention d’une autorisation fédérale. Les agences locales sont intégrées comme entités consultatives et peuvent proposer des conditions techniques, mais leur inclusion dépend de la décision finale de la FERC. Le texte impose également un délai maximal de 90 jours après la clôture de la procédure d’évaluation environnementale (National Environmental Policy Act – NEPA) pour rendre toutes les décisions fédérales nécessaires.
Ce nouveau cadre réduit la fragmentation administrative en faisant de la FERC l’unique autorité de coordination pour les projets relevant du Natural Gas Act. Il encadre également la participation d’autres agences fédérales et locales, limitant leur influence sur le record juridique des projets. Cette centralisation modifie l’équilibre institutionnel entre l’État fédéral et les entités locales.
Conséquences pour l’industrie gazière et les investissements
L’objectif principal est de réduire la prime de risque réglementaire pesant sur les projets de gazoducs et de terminaux de gaz naturel liquéfié (LNG). En éliminant le risque de veto tardif, la réforme améliore la visibilité sur les délais et facilite l’atteinte de la décision finale d’investissement (FID) dans un contexte de demande croissante en capacité énergétique, notamment en lien avec l’essor des centres de données.
Plusieurs projets bloqués ou abandonnés par le passé pourraient redevenir viables. L’effet immédiat sur l’offre reste limité, mais la simplification administrative pourrait relancer la chaîne de valeur, de l’ingénierie à la construction, tout en exerçant une pression haussière sur certains segments comme l’acier, la compression ou les services EPC (engineering, procurement, construction).
Réactions politiques et perspectives contentieuses
Le texte a été voté à une courte majorité (213 voix contre 184) et suscite une opposition active. Certains États, historiquement utilisateurs du CWA §401 pour ralentir des projets jugés sensibles, dénoncent une perte de souveraineté environnementale. Plusieurs organisations non gouvernementales préparent des recours visant à contester la constitutionnalité du texte ou à se repositionner sur d’autres leviers réglementaires, notamment les permis relevant du CWA §404, les obligations foncières ou les espèces protégées.
Des critiques émergent également sur la manière dont la FERC intégrera — ou non — les conditions proposées par les États. La centralisation peut accroître les tensions politiques entre le pouvoir fédéral et les juridictions locales, avec des stratégies de blocage susceptibles de se déplacer vers d’autres étapes du processus d’autorisation.
Une orientation stratégique pour la politique énergétique américaine
Ce recentrage fédéral intervient alors que la consommation électrique des États-Unis est attendue à la hausse en 2025 et 2026, sous l’effet combiné de l’essor de l’intelligence artificielle et des centres de données. La disponibilité d’une capacité gazière “pilotable” devient un élément structurant de la sécurité d’approvisionnement. La réforme vise à raccourcir les délais critiques pour que ces infrastructures puissent accompagner cette dynamique.
Sur le plan international, sécuriser la chaîne d’approvisionnement en gaz inter-États permet aussi de renforcer la capacité d’export de LNG. Cela consolide la position des États-Unis dans le marché énergétique mondial, en assurant une meilleure fiabilité sur les flux vers les terminaux d’exportation.