Le régime juridique encadrant l’exploitation des barrages hydroélectriques en France est dans l’impasse depuis plus de vingt ans, selon un rapport publié par deux députés, Marie-Noëlle Battistel (Parti socialiste) et Philippe Bolo (Mouvement démocrate). Les élus soulignent que ce blocage freine lourdement les investissements nécessaires à la modernisation d’un parc représentant 13,92 % de la production électrique française en 2024, soit 74,7 térawattheures (TWh).
Un différend ancien avec la Commission européenne
La France est sous le coup de deux procédures ouvertes par la Commission européenne en 2015 et en 2019. Celles-ci visent principalement la position dominante d’Électricité de France (EDF), qui détient 70 % de la puissance hydroélectrique installée, et le non-renouvellement concurrentiel de concessions arrivées à échéance. Au 31 décembre 2025, 61 des 340 concessions que compte le pays seront échues. Ces concessions couvrent environ 90 % de la capacité hydroélectrique nationale.
Les autres grands concessionnaires sont la Compagnie nationale du Rhône (CNR), avec 25 %, et la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), avec 3 %. Environ 70 petits opérateurs, essentiellement privés, se partagent les 750 mégawatts restants. Les députés estiment que l’absence de visibilité sur le futur de ces concessions empêche les exploitants de planifier des investissements au-delà de ceux prévus dans leurs obligations contractuelles.
Vers une transformation en régime d’autorisation
Pour sortir de cette impasse, les rapporteurs proposent de basculer d’un régime de concession à celui d’autorisation, utilisé pour environ 2 300 installations de moins de 4,5 mégawatts. Ce changement de régime permettrait d’exclure les ouvrages hydroélectriques de l’obligation de mise en concurrence imposée par le droit européen. En parallèle, ils suggèrent de faire qualifier les barrages d’ouvrages publics dans la loi, comme c’est le cas pour les aéroports.
Les parlementaires recommandent également une révision de la directive européenne dite « concessions », afin d’en exclure explicitement l’activité hydroélectrique. Toutefois, cette modification législative au niveau européen nécessitera un délai estimé à au moins cinq ans pour être adoptée et mise en œuvre.
Rejet d’un mécanisme type Arenh pour l’hydroélectricité
Pour éviter toute requalification assimilable à une privatisation, les députés refusent la mise en place d’un dispositif similaire à l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) dans le domaine hydroélectrique. Selon leur communiqué, cela viserait à ne pas reproduire les limites constatées dans le secteur nucléaire. Ils reconnaissent cependant que d’autres mesures, telles que la livraison encadrée de volumes d’électricité à des tiers, devront être étudiées pour répondre aux exigences du droit communautaire.
« Le pays est enlisé depuis plus de vingt ans dans un différend avec la Commission européenne », indiquent les rapporteurs, rappelant la nécessité de débloquer le régime pour garantir la pérennité du parc hydroélectrique.