Les principales compagnies aériennes européennes ont appelé la Commission européenne à agir rapidement pour stimuler la production de carburants d’aviation durables, faute de quoi elles pourraient être contraintes de solliciter un report de l’échéance fixée à 2030. Réunies sous l’égide du groupe Airlines for Europe (A4E), elles estiment que les objectifs actuels sont inatteignables sans un soutien industriel massif.
Un objectif réglementaire jugé irréaliste à court terme
Depuis janvier, l’Union européenne impose que 2% des carburants utilisés par les avions soient issus de sources renouvelables, avec un objectif de 6% d’ici 2030. Ce taux est censé atteindre 70% à l’horizon 2050. Mais selon Luis Gallego, président-directeur général du groupe International Airlines Group (British Airways, Iberia), la production actuelle de carburants durables, majoritairement localisée hors d’Europe, rend ces seuils difficilement atteignables.
Lors d’une conférence de presse, Gallego a déclaré que l’association A4E pourrait être contrainte de demander officiellement un délai si « rien d’extraordinaire » ne se produit d’ici là. Il a estimé que les obligations réglementaires n’ont pas généré l’effet escompté sur l’offre industrielle locale.
Un appel à un dialogue stratégique équivalent à celui du secteur automobile
Dans un communiqué publié en parallèle, A4E a réclamé l’ouverture d’un dialogue stratégique entre les institutions européennes et le secteur aérien, sur le modèle de celui engagé avec les constructeurs automobiles autour de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Les compagnies insistent sur le besoin de sécuriser un approvisionnement européen compétitif en carburants d’aviation durables (SAF, pour « sustainable aviation fuels »).
A4E regroupe 17 groupes aériens européens, dont Lufthansa, Ryanair, Air France-KLM et easyJet. Tous se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un objectif pour lequel le recours aux SAF représente environ 65% de la trajectoire de décarbonation envisagée par le secteur.
Une dépendance à des sources coûteuses et hors d’Europe
Les SAF sont produits à partir de déchets organiques, de biomasse, d’huiles alimentaires usagées, ou encore, à plus long terme, par synthèse à partir d’hydrogène et d’électricité décarbonée. Ces procédés restent coûteux et leur déploiement industriel est encore limité sur le continent.
Kenton Jarvis, directeur général d’easyJet, a déclaré que les gouvernements de l’Union européenne devaient « prendre des mesures décisives » pour inciter les producteurs d’hydrocarbures à investir massivement dans les SAF. Il a précisé que l’industrie n’était pas opposée aux objectifs climatiques mais qu’elle avait besoin d’un environnement industriel adapté pour les atteindre sans compromettre sa compétitivité.
Air France-KLM appelle à des mesures immédiates
Air France-KLM a, pour sa part, confirmé son objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, soulignant être l’un des plus gros acheteurs de SAF en Europe. Le groupe a néanmoins appelé à « des mesures immédiates » pour assurer un marché durable et abordable de ces carburants, tout en avertissant contre un risque de « dumping » en provenance de pays extra-européens. Il n’a pas soutenu explicitement une demande de report des obligations.
Les compagnies ont réaffirmé leur volonté de respecter les engagements climatiques internationaux, mais conditionnent leur faisabilité à une réponse rapide des institutions européennes face à un marché jugé trop dépendant de l’extérieur.