Les centres de données au Japon devraient consommer l’équivalent de l’électricité utilisée par 15 à 18 millions de foyers d’ici 2034, représentant 60 % de la croissance totale de la demande énergétique nationale, selon une analyse publiée par Wood Mackenzie le 26 août. Cette projection s’appuie sur des investissements estimés à 4 000 milliards JPY ($28 milliards) de la part d’hyperscalers comme Oracle, Google et Microsoft, récemment désignés fournisseurs officiels de cloud par le gouvernement.
Consommation triplée et part croissante dans le pic de charge
La consommation électrique des centres de données au Japon devrait passer de 19 TWh en 2024 à entre 57 TWh et 66 TWh en 2034. Dans le même intervalle, la demande de pointe atteindrait 6,6 à 7,7 GW, soit environ 4 % du pic de charge national, contre environ 1,3 % en 2024. Malgré cette croissance, la part des centres de données dans la demande de pointe au Japon resterait inférieure à celle des États-Unis, où elle pourrait s’élever à 15 % d’ici 2034.
“La croissance des investissements reste stable, mais la part de la demande reste relativement faible comparée aux références internationales,” a indiqué Naomi Oshita, chercheuse associée pour l’Asie-Pacifique chez Wood Mackenzie.
Contraintes d’infrastructure et retards à l’horizon 2029
La demande croissante entre en conflit avec les délais de développement des infrastructures. Alors que les entreprises technologiques visent des déploiements en moins de cinq ans, les projets à turbine à gaz en cycle combiné nécessitent entre sept et dix ans. Ce décalage repousse la mise en service de plusieurs projets majeurs de centres de données et de fonderies de semi-conducteurs à 2029.
Les zones métropolitaines de Tokyo et de Kansai devraient concentrer la majorité des besoins, les opérateurs privilégiant l’accès aux pôles de consommation et la latence réseau. Selon Wood Mackenzie, les centres de données représenteront environ 7 % de la charge électrique dans ces deux régions d’ici 2030. Les marges de réserve supérieures à 15 % devraient toutefois éviter les pénuries immédiates.
Mix énergétique dominé par les énergies fossiles
La majorité de l’alimentation électrique des centres de données restera assurée par le charbon et le gaz, qui représenteront plus de 40 % de la capacité installée dans les zones concernées en 2034. Cette dépendance complique les objectifs climatiques affichés par les acteurs du numérique tout en renforçant leur rôle dans la demande énergétique nationale.
“Le défi de la décarbonation est particulièrement aigu, vu l’ampleur de la croissance attendue,” a précisé Oshita. Avec une part des énergies renouvelables limitée à 17 % en 2030, le Japon devra accélérer la relance de son parc nucléaire et le déploiement des sources renouvelables pour concilier objectifs climatiques et continuité d’approvisionnement.
Un basculement du modèle énergétique
L’ampleur de la consommation attendue modifiera structurellement le profil de la demande électrique au Japon d’ici la prochaine décennie. Les centres de données deviendront un levier central de planification pour les investissements dans le secteur de l’électricité.
“La question n’est pas de savoir si le Japon atteindra les niveaux des États-Unis, mais à quelle vitesse son système électrique pourra suivre,” a conclu Oshita. “Les opérateurs doivent adapter leur modèle alors même que la transformation est en cours.”