Jet de gâteau, questions insistantes voire même envahissement: c’est presque devenu un rituel pour certains grands groupes interpellés à chaque assemblée générale d’actionnaires par des activistes pointant les insuffisances de la lutte contre le changement climatique. Dernier exemple en date, lors de l’assemblée générale à Paris de la banque BNP Paribas mardi matin, plusieurs scientifiques du collectif « Scientifiques en rébellion » ont questionné la direction à de multiples reprises sur leur stratégie climat, au point de susciter agacements et insultes de certains actionnaires.
Il y a une semaine, lors de l’assemblée générale de Volkswagen, le géant de l’automobile a également connu des perturbations, avec notamment un lancer de gâteau à la crème en direction des membres du conseil de surveillance et l’interruption du discours du PDG, Olivier Blume, par une militante torse nu, la poitrine peinte de slogans, qui a finalement été conduite hors de la salle par le service de sécurité. Monika Krimmer, une psychothérapeute de 60 ans, était venue pour la première fois manifester à cette occasion, avec plusieurs de ses camarades du mouvement « Scientifiques en rébellion » qu’elle a rejoint il y a un an. « Cette fois-ci, j’ai voulu me rendre directement à la source des lobbies des voitures », explique l’Allemande qui milite dans sa ville à Hanovre contre un projet de construction d’autoroute qui prévoit la destruction d’une coulée verte.
De plus en plus de tensions
Plus tôt, dans le mois, ce sont les AG de la banque britannique HSBC, interrompue à plusieurs reprises jusqu’à ce que les dirigeants demandent l’expulsion des militants concernés, et de son homologue Barclays, qui ont été très chahutées. Pour Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre, les assemblées générales sont « un moment où les acteurs dressent le bilan de leur action et prennent de nouveaux engagements ». « Donc c’est aussi notre rôle de contre-pouvoir de, à la fois, dire la vérité sur leurs actions et éviter ce grand moment de greenwashing annuel, et pousser au plus haut degré d’ambition dans les nouvelles annonces », explique-t-elle à l’AFP.
Si ces perturbations ne sont pas nouvelles – des militants de Greenpeace avait envahi l’AG de Total en 2018 et certains s’étaient suspendus au plafond à la surprise générale – le « sujet climat monte de façon un peu radicalisé » avec « de plus en plus d’affrontements, parfois violents », juge Bénédicte Hautefort, cofondatrice de Scalens, une fintech dédiée aux sociétés cotées, et alors que, cette année, l’assemblée générale de la banque néerlandaise ING n’a même pas pu aller à son terme. L’année dernière, la réaction d’actionnaires face aux écologistes avait scandalisé une partie de l’opinion. Sur une vidéo publiée par Greenpeace sur Twitter, on pouvait voir des actionnaires s’en prendre à une activiste bloquant l’accès à l’AG: « crève et fais pas chier », lui lancent-ils notamment, alors qu’elle leur dit qu' »on ne va pas vivre » si TotalEnergies poursuit ses investissements. « Cela témoigne aussi du fait qu’on dérange », souligne Lorette Philippot. « Notre présence joue un rôle important, car elle influe sur le message qu’arrive à faire passer, ou non, un groupe, ainsi que sur son agenda », ajoute-t-elle.
Assemblées générales virtuelles
Souvent pointé du doigt par les ONG, le groupe BNP Paribas a fait le choix de longuement répondre aux scientifiques qui ont pris la parole. « Ne sous-estimez pas les objectifs que nous avons pris », a demandé Jean-Laurent Bonnafé, directeur général du groupe, s’interdisant toutefois de tracer des lignes rouges vis-à-vis des entreprises investissant dans de nouveaux champs pétro-gaziers, comme le réclament différentes organisations.
Un pays toutefois semble moins touché par cette vague de contestation: les Etats-Unis, où les grands groupes continuent de faire des assemblées générales en format exclusivement virtuel. C’est le cas du géant pétrolier Exxon, régulièrement ciblé par les activistes, de son concurrent Chevron, ou encore de la banque JPMorgan Chase. « Dans un monde où les conseils d’administration ont très peu d’occasion de rendre des comptes, c’est un pas en arrière », a déclaré Andrew Logan, directeur pétrole et gaz à Ceres, une organisation à but non lucratif qui oeuvre en faveur de politiques de développement durable par le biais des marchés financiers.