Les États-Unis ont installé 2,1 gigawatts (GW) de capacité éolienne au premier trimestre 2025, marquant une hausse spectaculaire de 91% par rapport à la même période l’année précédente. Wood Mackenzie et l’American Clean Power Association projettent 8,1 GW d’installations pour l’ensemble de l’année 2025, incluant les projets terrestres, offshore et les renouvellements. Cette croissance apparente masque toutefois des défis structurels majeurs qui redéfinissent l’industrie éolienne américaine.
Les commandes de turbines ont chuté de 50% au premier semestre 2025 comparé à l’année précédente, signalant une inquiétude croissante des développeurs face à l’environnement réglementaire. Le 20 janvier 2025, l’administration Trump a signé un mémorandum présidentiel retirant toutes les zones du plateau continental extérieur des locations éoliennes et ordonnant l’arrêt temporaire de tous les nouveaux permis pour les projets éoliens. Cette décision a provoqué une réaction immédiate de 17 États et Washington D.C., qui ont intenté une action en justice contre ces restrictions.
Une révolution réglementaire aux conséquences économiques majeures
La loi One Big Beautiful Bill Act (OBBBA), promulguée le 4 juillet 2025, bouleverse fondamentalement le paysage des incitations fiscales. Les crédits d’impôt pour les projets éoliens et solaires prennent fin pour les installations mises en service après 2027, avec une exception limitée pour les projets commençant la construction dans les 12 mois suivant la promulgation.
Pour les autres technologies, les crédits d’impôt restent alignés sur le calendrier initial : après 2032, ils baissent progressivement à 100% en 2033, 75% en 2034, 50% en 2035 et s’arrêtent à 0% en 2036 (cf. OBBBA – One Big Beautiful Bill: Pros & Cons: The Good, Bad, and the Ugly).
Cette accélération du calendrier de suppression des aides représente un changement radical par rapport aux échéances précédentes.
Les nouvelles exigences bureaucratiques imposent désormais au Secrétaire à l’Intérieur Doug Burgum d’approuver personnellement chaque projet éolien sur les terres publiques. Cette centralisation administrative crée des goulots d’étranglement sans précédent dans le processus de permis. Les développeurs doivent également naviguer dans un labyrinthe de nouvelles restrictions concernant les « entités étrangères préoccupantes » (FEOC), limitant drastiquement les options de financement et d’approvisionnement en composants.
L’impact des tarifs douaniers sur la compétitivité du secteur
Les tarifs proposés de 25% sur les importations du Mexique et du Canada, ainsi que 10% supplémentaires sur les importations chinoises, menacent la viabilité économique des projets. Wood Mackenzie estime que ces mesures pourraient augmenter les coûts des turbines éoliennes terrestres de 7% et les coûts globaux des projets de 5%. Le coût actualisé de l’énergie (LCOE) pourrait grimper de 4% à court terme, atteignant 7% dans un scénario de tarifs universels.
L’industrie éolienne américaine dépend fortement des importations pour des composants critiques comme les pales, les transmissions et les systèmes électriques. En 2023, les importations d’équipements éoliens représentaient 1,7 milliard de dollars, dont 41% provenaient du Mexique, du Canada et de la Chine. Cette dépendance expose le secteur à des vulnérabilités majeures face aux politiques protectionnistes.
La reconfiguration du paysage concurrentiel
GE Vernova domine le marché terrestre américain avec 56% des installations en 2024, suivi par Vestas (40%) et Siemens Gamesa (4%). Sur le segment offshore, Siemens Gamesa détient une position encore plus dominante avec 57% des projets ayant sélectionné un fournisseur, contre 32% pour Vestas et 11% pour GE Vernova. Cette concentration du marché reflète les barrières croissantes à l’entrée dans un environnement réglementaire complexifié.
Les perspectives quinquennales du secteur ont été révisées à la baisse de 40% par rapport aux projections antérieures de 75,8 GW. Wood Mackenzie prévoit désormais 33 GW de nouvelles capacités terrestres, 6,6 GW offshore et 5,5 GW de renouvellements d’ici 2029. Cette révision drastique illustre l’impact combiné des politiques restrictives et de l’incertitude économique sur les décisions d’investissement.
Les opportunités technologiques face aux défis politiques
Malgré ce contexte défavorable, certains segments technologiques émergents maintiennent leur potentiel. Le marché mondial de l’éolien flottant offshore devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 31,5% de 2025 à 2034. Les États-Unis possèdent 2,8 térawatts de potentiel éolien offshore dans des eaux trop profondes pour les technologies conventionnelles, représentant deux tiers du potentiel offshore total du pays.
Les États individuels poursuivent leurs objectifs ambitieux malgré les obstacles fédéraux. New York vise 9 GW d’éolien offshore d’ici 2035, tandis que le New Jersey cible 11 GW d’ici 2040. Ces engagements locaux créent une demande soutenue qui pourrait partiellement compenser les effets des politiques fédérales restrictives.
L’impact économique de ces changements se fera sentir au-delà du secteur éolien. Energy Innovation prévoit une hausse des factures d’électricité à travers les États-Unis, avec des augmentations particulièrement marquées dans les États républicains qui dépendent fortement des énergies renouvelables pour leur approvisionnement électrique. Les développeurs qui ont sécurisé des contrats d’achat d’électricité avant la pandémie font face à un décalage fondamental entre leurs revenus fixes et des coûts en hausse constante.
Le secteur éolien américain se trouve à un tournant critique. Les installations record du premier trimestre 2025 pourraient représenter un dernier élan avant un ralentissement prolongé. Les développeurs accélèrent leurs projets pour bénéficier des derniers crédits d’impôt disponibles, créant un pic artificiel d’activité qui masque les défis structurels à long terme. La capacité de l’industrie à s’adapter à ce nouvel environnement déterminera si les États-Unis maintiendront leur position dans la transition énergétique mondiale ou céderont leur leadership technologique à d’autres nations.