L’électrification des infrastructures pétrolières et gazières se positionne comme une solution cruciale pour réduire les émissions de CO2 liées à l’extraction. Selon une analyse menée par Rystad Energy, l’utilisation d’électricité provenant de sources renouvelables ou de gaz jusqu’alors brûlé (torchage) pourrait permettre de réduire les émissions jusqu’à 80 %. Sur le plateau continental norvégien, des installations déjà électrifiées émettent 1,2 kg de CO2 par baril équivalent pétrole (boe), contre 8,4 kg avant leur conversion. Cette réduction illustre les possibilités offertes par la transition énergétique dans un secteur encore très dépendant des énergies fossiles.
La Norvège, qui bénéficie de ressources renouvelables abondantes, notamment grâce à son potentiel hydroélectrique, est à l’avant-garde de cette transformation. Les principaux sites de production sont idéalement situés près des infrastructures électriques vertes, facilitant ainsi la conversion vers une alimentation plus propre. D’ici 2040, le pays prévoit une réduction de 70 % des émissions de ses plateformes offshore, un objectif qui pourrait être atteint plus rapidement si les investissements se poursuivent au même rythme.
Une transition plus complexe pour d’autres producteurs
Cependant, pour d’autres grandes nations productrices de pétrole, la mise en œuvre de l’électrification des sites de production pourrait être plus difficile. Les États-Unis, l’Arabie saoudite, et d’autres pays font face à des défis logistiques majeurs, notamment l’éloignement des infrastructures électriques terrestres, un manque d’infrastructures adaptées, ou des capacités limitées en énergie renouvelable. Ces obstacles ralentissent la mise en œuvre d’une transition énergétique complète dans ces régions.
Même dans ces conditions, une électrification partielle pourrait suffire à générer des réductions d’émissions notables. Rystad Energy a identifié une trentaine de bassins énergétiques dits Premium Energy Basins (PEB), qui représentent à eux seuls plus de 80 % de la production mondiale de pétrole et de gaz. Si ces bassins sont électrifiés à hauteur de 50 %, les émissions mondiales pourraient être réduites de 5,5 gigatonnes de CO2 d’ici 2050, une contribution non négligeable à la décarbonation du secteur.
Le rôle clé de l’évitement du torchage
Outre l’électrification des infrastructures, la réduction des émissions peut également passer par une meilleure gestion du torchage, qui consiste à brûler du gaz excédentaire non valorisé. Environ 140 milliards de mètres cubes de gaz sont torchés chaque année, générant près de 290 millions de tonnes de CO2. Cette pratique, largement répandue en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord, constitue un défi de taille pour la réduction des émissions dans l’industrie. La mise en place d’incitations économiques, de réglementations plus strictes et d’infrastructures adaptées pour valoriser ce gaz pourrait contribuer à réduire l’impact environnemental du secteur.
Dans les bassins identifiés par Rystad, tels que Rub al Khali et Central Arabian, les efforts pour limiter le torchage combinés à l’électrification pourraient réduire de manière significative les émissions de CO2. À eux seuls, ces deux bassins pourraient éviter l’émission de 370 millions et 251 millions de tonnes de CO2 respectivement, sur la période 2025-2030.
Perspectives financières et défis à surmonter
L’électrification des installations pétrolières ne se limite pas à des enjeux environnementaux. Pour de nombreux acteurs du secteur, il s’agit aussi d’une question de rentabilité. L’utilisation d’électricité issue de sources renouvelables permettrait non seulement de réduire les émissions, mais également de réduire les coûts opérationnels à long terme. Dans certains cas, les sites électrifiés pourraient même vendre l’énergie excédentaire produite, créant ainsi une nouvelle source de revenus.
Cependant, la transition nécessite des investissements substantiels et une planification rigoureuse. Les infrastructures électriques doivent être adaptées, en particulier dans les zones éloignées des réseaux continentaux. La viabilité économique de ces projets repose également sur la capacité des gouvernements et des entreprises à collaborer pour développer des solutions innovantes et surmonter les obstacles techniques.
Les défis de la mise en œuvre
Bien que prometteuse, l’électrification des installations pétrolières rencontre de nombreux obstacles, notamment en termes de coûts initiaux et d’adaptation des infrastructures. Dans les régions isolées, les défis techniques liés à l’approvisionnement en énergie électrique fiable doivent être surmontés pour garantir la continuité des opérations. Par ailleurs, les incitations économiques à court terme peuvent ne pas être suffisantes pour encourager tous les acteurs à adopter ces nouvelles technologies.
Les projections de Rystad Energy montrent néanmoins qu’une électrification partielle des infrastructures pourrait déjà entraîner des réductions d’émissions substantielles. Dans un contexte où les pressions réglementaires et économiques en faveur de la décarbonation du secteur énergétique ne cessent de croître, ces initiatives pourraient devenir incontournables.