L’industrie américaine du LNG est confrontée à une incertitude réglementaire depuis la décision de l’administration Biden de suspendre les examens des permis d’exportation vers les pays sans accord de libre-échange avec les États-Unis. Cette suspension, justifiée par un besoin de réévaluer les impacts économiques et environnementaux, a ralenti plusieurs projets d’infrastructures clés, retardant ainsi les décisions d’investissement et impactant la compétitivité du LNG américain sur le marché international. Pour les investisseurs, le flou persistant autour de cette suspension soulève des doutes sur la viabilité des futures expansions.
Les principaux acteurs du marché s’attendent à ce que la suspension prenne fin après les élections de 2024. Cependant, les implications varient en fonction du candidat élu. Un retour de Donald Trump à la présidence pourrait accélérer l’approbation des projets, mais au risque d’une confrontation avec les régulateurs environnementaux des marchés européens. À l’inverse, Kamala Harris pourrait maintenir une approche plus prudente et orientée sur les impacts sociaux et environnementaux, en ajoutant potentiellement de nouveaux critères d’évaluation basés sur des considérations sociales et environnementales, ralentissant davantage les processus décisionnels.
Politiques divergentes et impacts commerciaux
Donald Trump, lors de sa campagne, a promis de lever la suspension des permis dès son premier jour de mandat, adoptant une politique d’accélération des projets énergétiques. Cependant, son approche est susceptible de raviver les tensions commerciales, notamment avec la Chine, principal marché potentiel pour le LNG américain. Lors de son précédent mandat, les tensions commerciales ont conduit à une réduction des exportations de gaz américain vers la Chine, freinant les négociations pour l’extension des capacités. Trump envisage également de réintroduire des tarifs douaniers, ce qui pourrait nuire aux relations commerciales et affecter les perspectives de croissance du secteur.
De son côté, Kamala Harris reste ambiguë sur sa position vis-à-vis du secteur gazier. Bien qu’elle ait affiché un soutien à la diversification énergétique lors de récents débats, son silence sur la question des exportations de gaz suscite des interrogations. Si Harris maintient la ligne démocrate de restrictions financières pour les infrastructures fossiles, le secteur du LNG pourrait voir sa croissance bridée, avec un impact direct sur les exportations américaines.
Conséquences pour les projets en cours
La suspension des permis n’a pas seulement ralenti les nouveaux projets, mais a également entraîné des annulations de permis pour des infrastructures existantes. Le développeur NextDecade, dont le projet Rio Grande LNG au Texas a vu son permis révoqué par la Cour d’appel de Washington, illustre cette tendance. Ces répercussions judiciaires augmentent les risques pour les autres développeurs de projets LNG, compliquant la sécurisation de financements dans un climat réglementaire incertain.
Cette instabilité affecte également la perception des acheteurs internationaux. L’acquisition récente par l’australien Woodside Energy du projet Driftwood LNG en Louisiane, par exemple, est perçue comme une prise de risque sur un marché devenu imprévisible. Le directeur général de Woodside, Meg O’Neill, a exprimé ses préoccupations quant à l’impact durable de cette instabilité sur la confiance des acheteurs internationaux.
Les nouvelles contraintes du marché européen
La politique énergétique américaine est également influencée par les nouvelles exigences environnementales européennes, notamment en matière de traçabilité des émissions de méthane dans la chaîne d’approvisionnement du LNG. Ces contraintes pourraient désavantager les exportateurs américains si le cadre réglementaire local venait à être assoupli, comme cela pourrait être le cas sous une administration Trump. Les producteurs américains, confrontés à une législation plus laxiste sur le territoire national, risqueraient de perdre des parts de marché face à des concurrents mieux alignés sur les normes européennes.
Chris Treanor, directeur exécutif de la Partnership to Address Global Emissions, estime que si les États-Unis reviennent sur leurs engagements de suivi des émissions, cela pourrait affecter leur compétitivité. Un recul des normes pourrait être interprété comme un signe d’« intensification de la pollution », ce qui mettrait en péril les négociations avec des acheteurs européens sensibles à la conformité environnementale.
Un futur incertain pour le secteur LNG américain
L’élection de 2024 pourrait redéfinir le paysage réglementaire du LNG américain pour la prochaine décennie. Alors que les développeurs espèrent une fin rapide de la suspension des permis, le climat d’incertitude persiste. Pour Jack Fusco, PDG de Cheniere, la divergence entre les approches de Harris et Trump pourrait entraîner des ajustements stratégiques, sans toutefois remettre en cause les fondamentaux du marché.
Cependant, la pression croissante des régulateurs, combinée aux incertitudes politiques, pourrait dissuader les acheteurs internationaux de s’engager sur de nouveaux projets à long terme. Les importateurs comme JERA, premier producteur d’électricité au Japon, considèrent la diversification de leur portefeuille d’approvisionnement comme une nécessité face aux turbulences actuelles. Le contexte électoral risque ainsi de figer les décisions d’investissement jusqu’à la clarification de la politique énergétique américaine post-2024.