Le Vietnam met en place un marché du carbone pour encadrer et réguler les émissions industrielles de gaz à effet de serre (GES). La décision de reporter son lancement à 2029 s’inscrit dans une volonté d’ajuster le dispositif réglementaire et de garantir une transition progressive des entreprises vers ce nouveau mécanisme.
Un cadre réglementaire en évolution
Le marché du carbone vietnamien repose sur plusieurs textes législatifs clés, dont le Décret n°06/2022/ND-CP, qui définit les règles de déclaration et d’échange des quotas d’émission. La Décision n°232/QĐ-TTg, signée par le Vice-Premier ministre Trần Hồng Hà, a repoussé la date de mise en œuvre du marché et a fixé les grandes lignes de la phase pilote entre 2025 et 2028.
En avril et décembre 2024, des amendements ont été proposés afin de préciser les modalités de répartition des quotas, les obligations de reporting et les critères d’éligibilité des entreprises concernées. Ces ajustements s’inscrivent dans la volonté du gouvernement d’aligner son dispositif avec les standards internationaux tout en tenant compte du contexte économique local.
Une phase pilote avant la mise en œuvre
La mise en place du marché se fera en plusieurs étapes. Dès juin 2025, le cadre réglementaire sera finalisé avec la définition des règles d’attribution des quotas et les méthodologies de suivi des émissions. Une phase pilote s’étalera ensuite jusqu’à fin 2028, impliquant environ une centaine d’installations industrielles, notamment dans les secteurs de l’énergie, de la métallurgie et du ciment. Ces industries représentent près de 40 % des émissions soumises à régulation.
Les entreprises sélectionnées devront se conformer aux quotas d’émission attribués et auront la possibilité d’acheter ou de vendre des quotas sur une plateforme dédiée. Cette phase permettra d’évaluer l’efficacité du dispositif et d’apporter d’éventuelles corrections avant le lancement à grande échelle en 2029.
Les secteurs concernés et la répartition des quotas
Le marché du carbone vietnamien cible en priorité trois secteurs industriels à fortes émissions :
– Énergie : Centrales thermiques fonctionnant au charbon et au gaz.
– Métallurgie : Production d’acier et exploitation de hauts-fourneaux.
– Ciment : Fabrication de clinker et production cimentière.
Le Ministère de l’Industrie et du Commerce (MOIT) est chargé de proposer les quotas pour les centrales thermiques et les aciéries, tandis que le Ministère de la Construction (MOC) s’occupe des quotas du secteur cimentier. Les premières allocations interviendront en décembre 2025 pour les années 2025 et 2026, suivies de nouvelles attributions en octobre 2027 et octobre 2029.
Interaction avec les mécanismes internationaux
Le Vietnam entend intégrer son marché du carbone dans les dispositifs internationaux de crédits carbone, notamment via :
– Le Clean Development Mechanism (CDM), un héritage du Protocole de Kyoto.
– Le Joint Crediting Mechanism (JCM), un partenariat bilatéral principalement avec le Japon.
– L’Article 6 de l’Accord de Paris, qui permet le transfert international des réductions d’émissions (ITMO).
À terme, le gouvernement pourrait connecter son marché aux plateformes régionales ou mondiales afin d’améliorer la liquidité et d’offrir aux entreprises une plus grande flexibilité dans leur stratégie de compensation carbone.
Un enjeu stratégique face au CBAM européen
L’Union européenne a instauré un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) qui taxera les importations de certains produits en fonction de leur empreinte carbone. Pour les entreprises vietnamiennes, notamment dans l’acier et le ciment, ce dispositif pourrait entraîner des coûts supplémentaires.
L’instauration d’un marché du carbone au Vietnam vise à limiter cet impact en fournissant un cadre réglementaire permettant aux industriels de mieux maîtriser leurs émissions et d’anticiper les exigences européennes. En intégrant un système de tarification du carbone, le pays pourrait faciliter la reconnaissance de ses efforts en matière de réduction des GES et préserver ses débouchés commerciaux en Europe.
Perspectives pour les industriels et investisseurs
La mise en place du marché du carbone représente plusieurs défis pour les entreprises vietnamiennes. Elles devront s’adapter à des exigences de mesure, de reporting et de vérification des émissions tout en optimisant leurs coûts.
Les acteurs économiques seront incités à adopter des technologies bas-carbone afin de limiter leur exposition au coût des quotas. De plus, les entreprises qui anticiperont ces évolutions pourraient bénéficier d’un accès privilégié aux financements internationaux dédiés à la transition énergétique.