Depuis plus d’un demi-siècle, un cratère en feu nommé les « Portes de l’Enfer » brûle sans interruption au cœur du désert turkmène, libérant des quantités significatives de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Situé à environ 270 kilomètres au nord d’Achkhabad, la capitale du Turkménistan, ce site est le résultat d’une opération de forage soviétique dans les années 1970 qui a accidentellement percé une poche de gaz souterraine. Pour éviter la libération de gaz toxiques, les autorités de l’époque ont allumé le cratère, espérant que le feu s’éteindrait rapidement. Cependant, la flamme brûle encore, émettant en continu du méthane dans l’atmosphère.
Un enjeu environnemental de premier plan
Le ministre du gaz turkmène, Maksat Babaïev, a annoncé récemment lors d’une conférence énergétique à Achkhabad que le pays prend des mesures concrètes pour réduire les émissions de ce cratère emblématique. « Nous avons foré un puits à Darvaza pour capter le gaz », a-t-il expliqué, ajoutant qu’un second puits est prévu dans le cadre de ces efforts. L’objectif est de capter le méthane avant qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère, contribuant ainsi à atténuer l’impact climatique du Turkménistan.
Le Turkménistan, reconnu pour ses vastes réserves de gaz naturel, figure parmi les plus importants émetteurs de méthane au monde. Ce gaz, bien que de courte durée de vie par rapport au dioxyde de carbone, possède un pouvoir réchauffant bien plus élevé, le rendant particulièrement nocif pour le climat. Selon des données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le pays est un acteur majeur dans les fuites de méthane, un problème que les nouvelles technologies de surveillance, notamment les satellites, permettent de mieux suivre et quantifier.
Des initiatives pour limiter l’impact climatique
La récente initiative du Turkménistan s’inscrit dans une volonté de montrer des progrès environnementaux, bien que le pays demeure l’un des États les plus fermés au monde en termes de transparence des données. En 2023, le ministre Babaïev s’est félicité d’une réduction de 10% des émissions de méthane par rapport à 2020, un chiffre basé sur un rapport de la société environnementale française Kayrros. Cette baisse significative est perçue comme un signal positif dans un pays souvent perçu comme réfractaire aux préoccupations climatiques internationales.
L’engagement à fermer le cratère de Darvaza témoigne également d’une prise de conscience grandissante au sein de l’administration du président Serdar Berdymoukhamedov, qui semble vouloir projeter une image plus responsable sur le plan environnemental. En captant le méthane plutôt que de le laisser brûler, le gouvernement espère également réduire l’empreinte environnementale du pays, tout en minimisant le gaspillage de cette ressource naturelle.
Une pression internationale croissante
L’internationalisation de la lutte contre les émissions de méthane ajoute une pression accrue sur les pays à forte production de gaz, comme le Turkménistan. Le méthane, responsable d’environ 30% du réchauffement climatique depuis la révolution industrielle, est devenu une priorité dans les politiques environnementales, notamment dans les pays signataires de l’Accord de Paris. En 2021, plusieurs grandes puissances, y compris les États-Unis et l’Union européenne, ont lancé des initiatives globales pour réduire les émissions de méthane. Dans ce contexte, le Turkménistan, bien que relativement isolé, ne peut ignorer les attentes internationales vis-à-vis de sa responsabilité en matière de réchauffement climatique.
La volonté affichée par le Turkménistan de s’attaquer à la problématique des « Portes de l’Enfer » pourrait ainsi jouer un rôle dans l’amélioration de ses relations diplomatiques, notamment avec des pays soucieux des enjeux climatiques mondiaux. La gestion des fuites de méthane est aujourd’hui au cœur des préoccupations environnementales, et cette initiative pourrait améliorer l’image internationale du pays.
Un avenir sous surveillance
Malgré des avancées notables, les experts demeurent prudents quant aux répercussions réelles de ces initiatives sur le long terme. L’enjeu dépasse la simple fermeture d’un cratère : il implique une gestion rigoureuse des ressources naturelles et une transparence accrue pour évaluer l’efficacité des mesures entreprises. Les progrès en matière de captage de méthane pourraient également inspirer d’autres pays disposant d’importantes réserves de gaz naturel.
Le cratère de Darvaza est ainsi devenu un symbole paradoxal du potentiel énergétique et des défis environnementaux du Turkménistan. L’initiative actuelle représente un premier pas vers une meilleure maîtrise de ses ressources énergétiques, tout en répondant aux attentes de la communauté internationale pour une action climatique tangible.