Les autorités soudanaises ont averti qu’elles pourraient interrompre les opérations et évacuer le personnel du site pétrolier d’Heglig, après deux frappes de drones en l’espace de quelques jours. Les attaques ont fait plusieurs victimes et ravivé les inquiétudes sur la sécurité de cette zone frontalière essentielle pour le transit du pétrole sud-soudanais. Le ministère des Affaires étrangères de Khartoum a désigné les Forces de soutien rapide, connues sous le nom de RSF (Rapid Support Forces), comme responsables de ces frappes qualifiées d’actes terroristes.
Un nœud vital pour les exportations
Heglig n’est pas seulement un champ pétrolier, mais également le point de contrôle et de mesure (PHCC) géré par la société PETCO, où converge le brut produit au Sud-Soudan dans le Block 5A avant son injection dans l’oléoduc Nile Blend. Cette infrastructure relie le hub de Heglig à Port-Soudan via le pipeline du Greater Nile Petroleum Operating Company (GNPOC), d’une capacité de conception de 450 000 barils par jour. Toute interruption du fonctionnement du PHCC pourrait entraîner un ralentissement ou un arrêt partiel des flux de Nile Blend, une qualité de brut légère et cireuse qui représente une part majeure des exportations sud-soudanaises.
Un risque de paralysie logistique
La station d’Heglig se situe à proximité de l’aéroport local, également ciblé par les drones. L’impact opérationnel dépasse la simple question de sécurité, car les vols assurent la logistique des équipes, le transport des pièces et l’évacuation d’urgence. Une interdiction prolongée des rotations aériennes compromettrait le maintien des activités et pourrait contraindre les opérateurs à suspendre leurs opérations. Les sociétés locales, dont 2B Operating Company (2B OPCO), ont déjà mis en garde contre une possible mise à l’arrêt si les attaques venaient à se répéter.
Un marché déjà fragilisé
Les volumes soudanais et sud-soudanais transitent quasi exclusivement par le terminal de Bashayer, au nord de Port-Soudan. Ce port a lui-même été visé plus tôt dans l’année par plusieurs frappes de drones qui ont perturbé ses installations pétrolières et ses dépôts de carburants. Dans le même temps, la fermeture de l’accès aux cargaisons soudanaises par les Émirats arabes unis a obligé les tankers à rallonger leurs routes, comme l’a illustré le détournement du navire Pola chargé de Dar Blend, un brut lourd et corrosif produit dans les Blocks 3 et 7.
Destinations et contraintes de qualité
Les bruts soudanais se caractérisent par des profils distincts : le Dar Blend, lourd et à haute acidité, et le Nile Blend, plus léger mais cireux, nécessitant des infrastructures spécifiques pour le transport. Les principaux acheteurs en 2023 étaient les Émirats arabes unis, la Malaisie, Singapour et la Chine. La réorientation forcée de cargaisons vers l’Asie du Sud-Est modifie l’économie des routes maritimes et accentue les décotes sur ces qualités de bruts, déjà pénalisées par leurs spécificités techniques.
Une production fragile
Après une reprise en début d’année, la production du Sud-Soudan a atteint environ 138 000 barils par jour en juin, tandis que le Soudan restait affaibli par la guerre civile. La dépendance du Sud-Soudan à l’oléoduc traversant son voisin rend son économie particulièrement vulnérable aux perturbations en territoire soudanais. Les frappes répétées sur Heglig et Port-Soudan ajoutent une couche supplémentaire d’incertitude, dans un contexte de conflit prolongé entre l’armée soudanaise et les RSF.