Une nouvelle vague de projets de stockage par batteries à grande échelle révèle un seuil de compétitivité inédit autour de $65/MWh pour le “energy shifting” sans inclure le coût de l’électricité de charge. Ce niveau, calculé hors taxes et hors composants chinois, repose sur des hypothèses techniques et financières désormais considérées comme atteignables dans des projets bénéficiant de contrats garantis à long terme. Plusieurs appels d’offres récents en Inde, en Arabie saoudite et en Italie confirment cette tendance, malgré des disparités régionales sur les conditions d’exécution et la robustesse des modèles économiques.
Des enchères structurantes pour les prix et les garanties
En Italie, le mécanisme MACSE mené par le gestionnaire de réseau Terna a attribué 1,1 GW de capacité de stockage avec des contrats de 15 ans à prix fixe. Des groupes tels qu’Enel et Plenitude (filiale d’Eni) figurent parmi les lauréats. En Arabie saoudite, les projets à Tabuk et Hail intègrent des batteries fournies par HiTHIUM et des travaux confiés à Alfanar, reflétant une approche industrielle basée sur la standardisation. En Inde, les enchères pilotées par la Rajasthan Rajya Vidyut Utpadan Nigam Limited (RVUNL) atteignent des prix planchers, appuyés par des subventions publiques, mais soulèvent des inquiétudes sur la viabilité technique des projets.
Un modèle économique rendu viable par le coût du capital
Le seuil de $65/MWh repose sur une hypothèse de taux d’actualisation à 7 %, une durée de vie de 20 ans et un rendement de 90 %. Ce niveau de performance n’est accessible que si les revenus sont garantis, ce qui exclut les projets opérant sur des marchés entièrement dérégulés. Le coût d’investissement estimé autour de $125/kWh comprend des équipements importés de Chine à hauteur de $75/kWh, complétés par $50/kWh de coûts d’installation, dont les frais de raccordement restent un facteur de volatilité.
Une filière confrontée à un dilemme géopolitique
Le modèle actuel repose en grande partie sur une chaîne d’approvisionnement d’origine chinoise, condition sine qua non pour atteindre les niveaux de prix observés. Les États-Unis, via la réglementation sur les “Foreign Entities of Concern” (FEOC), et l’Union européenne, à travers des dispositifs de soutien au contenu local, cherchent à limiter cette dépendance. En Italie, un appel d’offres distinct pour du solaire “non fabriqué en Chine” a révélé un écart de coût significatif, illustrant la prime imposée par des critères géopolitiques.
Vers une segmentation du marché et un nouveau rôle des régulateurs
Face à la chute des spreads jour/nuit, les modèles économiques se réorientent vers la rémunération de services auxiliaires et de capacité. Cela pousse les régulateurs à intégrer des critères techniques renforcés dans les appels d’offres, notamment en Inde, où des prix trop bas ont généré des craintes sur la qualité des équipements et la sécurité incendie. Le développement des projets hybrides associant solaire photovoltaïque et stockage co-localisé devient également une réponse aux limitations croissantes de raccordement.
Les entreprises confrontées à une nouvelle grille d’exigences
Les développeurs capables de maîtriser à la fois les contrats de long terme, les conditions de raccordement et la traçabilité de la supply chain disposent d’un avantage compétitif. Pour les fabricants, la pression sur les marges s’accentue, avec une montée en exigence sur les garanties de performance et de sécurité. Les opérateurs de réseaux électriques, quant à eux, s’appuient sur des mécanismes régulés pour éviter la volatilité des prix et des capacités dans le cadre d’une industrialisation du stockage.