Le Royaume-Uni a lancé avec la société américaine TAE Technologies une coentreprise industrielle baptisée TAE Beam UK pour produire localement des faisceaux neutres, composants critiques des futurs réacteurs à fusion. Le projet bénéficie d’un financement public initial de GBP5.6mn ($7.1mn) et repose sur une technologie déjà soutenue par Alphabet, maison mère de Google, qui a participé à un tour de table de USD150mn aux côtés de Chevron.
Une alliance transatlantique au cœur de la chaîne de valeur fusion
La coentreprise s’inscrit dans le Technology Prosperity Deal entre le Royaume-Uni et les États-Unis, accord bilatéral visant à aligner les efforts industriels dans le nucléaire avancé. TAE Technologies apporte sa technologie développée pour ses réacteurs à champ inversé, tandis que l’UK Atomic Energy Authority (UKAEA) fournit les infrastructures du site de Culham ainsi que des équipes techniques expérimentées.
Les faisceaux neutres, ou NBI (neutral beam injection), sont des systèmes de chauffage indispensables au confinement du plasma dans les tokamaks. Ils permettent d’atteindre des températures supérieures à 100 millions °C sans contact matériel, et sont considérés comme l’un des sous-systèmes les plus complexes et coûteux à industrialiser pour la fusion.
Des revenus ciblés dans la santé et la sécurité avant l’électricité
TAE Technologies a déjà adapté ses accélérateurs de particules à des usages médicaux via sa filiale TAE Life Sciences. TAE Beam UK prévoit de livrer une première génération de faisceaux « short-pulse » d’ici 18 à 24 mois, destinée à des applications immédiates comme la radiothérapie, la stérilisation alimentaire ou l’imagerie sécuritaire, avant l’arrivée de centrales à fusion connectées au réseau.
Cette stratégie vise à générer du chiffre d’affaires rapidement, tout en validant les technologies dans des environnements réglementés. Elle permet également au Royaume-Uni de convertir les compétences issues du projet JET en une base industrielle exportable, avec création d’emplois et structuration d’une filière locale.
Une architecture pensée pour le contrôle technologique occidental
Le soutien de Google positionne la coentreprise dans un écosystème technologique aligné sur les priorités stratégiques américaines et britanniques. La propriété intellectuelle principale reste contrôlée depuis les États-Unis, tandis que l’industrialisation est localisée au Royaume-Uni, permettant de répartir les risques réglementaires et d’assurer un contrôle étroit sur les exportations.
Les composants développés par TAE Beam UK sont considérés comme duals : utilisables à la fois dans des réacteurs civils à fusion et dans certaines applications de sécurité ou de défense. Ce positionnement pourrait bénéficier des accélérations réglementaires prévues par les nouveaux accords transatlantiques sur le nucléaire.
Effets attendus pour les partenaires et le marché
Pour TAE Technologies, la coentreprise permet de transformer une capacité développée en interne en ligne de revenus indépendante de ses propres projets de fusion. La présence de Google dans le capital renforce la visibilité technologique de l’initiative et la crédibilité auprès de clients industriels ou institutionnels.
Le Royaume-Uni, de son côté, renforce sa position post-Brexit dans le nucléaire avancé, en structurant à Culham un cluster exportateur sur un maillon à forte valeur ajoutée. L’effet de levier du financement public pourrait également attirer de nouveaux investissements dans la région, en particulier pour des sous-traitants spécialisés.