L’Union Européenne (UE) et le Royaume-Uni ont déclaré conjointement, lors d’un récent sommet, leur volonté de relancer les discussions visant à rétablir une coopération étroite dans les échanges électriques. Cette décision intervient après une période de séparation des marchés consécutive au Brexit, qui a mis fin, en 2021, à l’intégration complète du Royaume-Uni au sein du Marché Intérieur Européen (Internal Electricity Market, IEM). Les deux parties ont souligné leur intérêt mutuel à explorer des solutions concrètes permettant au Royaume-Uni de participer de nouveau aux plateformes de trading européennes. L’objectif principal est d’améliorer l’efficacité et d’optimiser les coûts liés aux échanges d’électricité via les interconnexions existantes.
Des interconnexions essentielles pour les flux électriques
À ce jour, neuf interconnexions électriques relient la Grande-Bretagne aux marchés de l’Union Européenne. Ces infrastructures possèdent une capacité combinée de près de 10 gigawatts (GW) permettant la transmission annuelle d’environ 80 térawattheures (TWh). Actuellement, les flux d’électricité varient quotidiennement, selon les conditions de marché définies par l’offre et la demande, faisant de la Grande-Bretagne un importateur net depuis la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et prochainement l’Allemagne, tout en étant exportateur vers l’Irlande.
Les arrangements actuels, mis en place après le Brexit, reposent sur des enchères explicites pour la capacité de transmission, principalement gérées via le Joint Allocation Office (JAO). Ce système diffère nettement du couplage implicite des marchés qui prévalait auparavant. L’absence d’intégration directe entraîne une perte d’efficacité dans les échanges quotidiens, notamment en raison du décalage des horaires d’enchères entre le Royaume-Uni et l’UE.
Vers un retour du couplage de marché ?
Le sommet bilatéral a clairement indiqué que toute coopération future pourrait inclure un « alignement dynamique » avec les règles du marché européen. Cependant, les deux parties ont souligné que tout alignement devrait respecter les spécificités constitutionnelles et les procédures parlementaires du Royaume-Uni. De même, le rôle de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) devra être défini précisément dans le cadre d’un éventuel mécanisme de règlement des différends par arbitrage.
Initialement, l’accord de sortie signé en 2020 prévoyait un modèle appelé Multi-Regional Loose Volume Coupling (MRLVC) pour gérer les échanges électriques entre l’UE et le Royaume-Uni. Toutefois, les avancées sur ce dossier restent très limitées, plusieurs acteurs du marché jugeant cette solution moins performante que le couplage intégral des marchés.
Impact potentiel sur les marchés du carbone
En complément de la réintégration envisagée dans les marchés électriques, les discussions incluent également un rapprochement potentiel des systèmes d’échange de quotas d’émissions de carbone entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni. Une telle initiative pourrait exempter l’électricité britannique des pénalités associées au futur mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism, CBAM). À partir de 2026, l’électricité sera incluse dans le CBAM européen, alors que le Royaume-Uni ne prévoit pas d’intégrer l’électricité dans son propre mécanisme avant 2027.
Ce contexte est particulièrement significatif pour les producteurs britanniques, déjà soumis à la taxe nationale sur le carbone (Carbon Price Support, CPS) fixée actuellement à 18 livres sterling par tonne de CO₂ émise. Cette taxe vient s’ajouter au coût des quotas de carbone britanniques (UK Allowances, UKA), ce qui impacte directement la compétitivité tarifaire de l’électricité britannique par rapport à celle du continent européen.
Divergences tarifaires et prévisions économiques
Les analystes de S&P Global Commodity Insights anticipent qu’à l’horizon 2035, le Royaume-Uni pourrait inverser son statut d’importateur net pour devenir exportateur net d’électricité vers l’Europe continentale. Les prix actuels reflètent des écarts significatifs : l’électricité britannique pour livraison en 2026 a récemment été évaluée par Platts à 76,56 GBP/MWh (soit 91,09 EUR/MWh), contre 88,58 EUR/MWh pour l’Allemagne et 58,50 EUR/MWh pour la France, ce qui positionne actuellement le Royaume-Uni en position intermédiaire.
Cette dynamique complexe des prix et des flux renforce la pertinence économique et stratégique de la potentielle réintégration du Royaume-Uni aux mécanismes européens d’échange d’électricité.