Le Qatar a officiellement alerté plusieurs gouvernements européens de son intention de réorienter ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) hors d’Europe si la nouvelle réglementation sur la diligence durable des entreprises (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDDD) n’était pas assouplie. Cette prise de position s’appuie sur une lettre adressée au gouvernement belge, dans laquelle le ministre de l’Énergie, Saad Al-Kaabi, explique que Doha considère le nouveau cadre réglementaire comme un risque pour la stabilité des échanges commerciaux.
Des exigences jugées trop strictes pour le secteur gazier
Adoptée dans le but d’encadrer l’impact environnemental et social des grandes entreprises opérant en Europe, la directive CSDDD impose aux sociétés de vérifier et corriger les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Le Qatar, qui fournit actuellement entre 12% et 14% des besoins européens en GNL, estime que ces règles compliqueraient ses relations commerciales avec l’Union européenne.
Selon le courrier, si le texte reste inchangé, QatarEnergy et l’État du Qatar « seront forcés d’envisager sérieusement d’autres marchés en dehors de l’Union européenne pour leurs produits et le GNL », mentionnant un environnement commercial jugé plus stable et accueillant en Asie. Depuis la crise ukrainienne, les livraisons de gaz du Qatar vers l’Europe ont connu une hausse significative, renforçant l’interdépendance entre les deux zones.
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Négociations sur la CSDDD et réponses européennes
Face aux inquiétudes de ses partenaires énergétiques, la Commission européenne a proposé d’ajourner l’entrée en vigueur de la directive à 2028 et de réduire le nombre d’exigences de contrôle sur les chaînes d’approvisionnement. Les discussions restent ouvertes entre les institutions européennes, alors que des représentants qataris continuent de faire valoir leur opposition à l’intégration obligatoire d’un plan de transition climatique aligné sur l’Accord de Paris. Le Qatar rappelle ne pas avoir d’engagement de neutralité carbone à court terme et considère que chaque pays doit déterminer ses propres objectifs climatiques.
La directive prévoit par ailleurs des amendes pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires mondial des entreprises en cas de manquement aux nouvelles obligations. Dans une annexe à la lettre envoyée à Bruxelles, Doha propose la suppression de la clause relative aux plans de transition climatique. Le Qatar souligne la solidité de ses contrats à long terme avec plusieurs grands groupes énergétiques européens.
Conséquences potentielles sur le marché du GNL
Le ministre de l’Énergie, également directeur général de QatarEnergy, précise que les incertitudes réglementaires pourraient inciter Doha à privilégier d’autres destinations, alors que la demande asiatique ne cesse de croître. Parmi les partenaires européens concernés figurent des acteurs majeurs du secteur, engagés dans des contrats de livraison sur plusieurs décennies. Le contexte met en lumière la capacité du Qatar à peser sur les flux mondiaux de gaz naturel liquéfié.
Un porte-parole de la représentation belge auprès de l’Union européenne a refusé de commenter les échanges avec Doha. Les discussions autour de la directive se poursuivent alors que l’approvisionnement en GNL reste un enjeu stratégique pour la sécurité énergétique du continent.