Selon un rapport de S&P Global, l’Europe occidentale misait fortement sur le gaz comme énergie de transition. Cependant, le contexte international de crise du marché de l’énergie et de tensions géopolitiques vient contrecarrer ces plans.
Le plan originel de l’UE
L’Union Européenne s’est fixée des objectifs de transition énergétique, comme de nombreux autres pays. Elle avait notamment basé une grande partie de sa stratégie sur le gaz naturel
L’idée d’un pont gazier
L’Europe prévoyait en effet d’utiliser le « pont gazier » dans ses objectifs de transitions énergétiques. Ce terme signifie que le gaz doit représenter une énergie utilisée comme transitoire, afin de se diriger vers des énergies renouvelables. Cependant, cette stratégie est de plus en plus mise à mal.
Ainsi, la volonté politique renouvelée de se désengager du gaz russe implique des prix du gaz élevés pour le reste des années 2020. Cette hausse des prix entraîne un déclin plus rapide que prévu de la capacité de production de gaz de l’UE.
De plus, S&P global a établi un scénario reflétant les turbulences actuelles du marché et de la géopolitique. La société suppose que la capacité de production en gaz de l’Europe va diminuer de 25 % d’ici 2030. Bruno Brunetti, co-auteur du rapport, s’exprime :
« Une accélération de l’élimination progressive du gaz présente des risques supplémentaires de pénurie de capacités à moyen terme en Europe occidentale ».
Des perspectives réduites
Dans un premier temps, rappelons que l’Europe dépend actuellement en grande partie du gaz russe. Ce dernier représente en effet 40 % de ses importations en la matière. Ainsi, la volonté européenne de se passer du GNL russe, consécutive au conflit en Ukraine, pourrait impacter durablement la transition énergétique envisagée.
Ainsi, les prix de gros de l’électricité en Italie devraient être plus élevés au cours de la prochaine décennie en raison de la dépendance du pays à l’égard du gaz russe. Le rapport prévoit des prix pour 2030 d’environ 64 euros/MWh en moyenne, contre 56 euros/MWh en Allemagne, 46 euros/MWh en France et 40 euros/MWh en Espagne.
De plus, les perspectives de nouvelle production de gaz sont considérablement réduites en Europe. De plus, selon M. Brunetti, l’envie d’équiper les CCGT d’un système de capture du carbone serait également faible. Selon lui, cela aurait pour effet de réduire une source essentielle de flexibilité après 2030. Selon lui, cette décennie marquera alors le début de l’ère de l’hydrogène.
Les alternatives à un « pont gazier »
Les énergies renouvelables à la hausse
Alors que le gaz est victime du conflit en Ukraine, les énergies renouvelables et le stockage par batterie devraient en profiter. En effet, l’urgence politique actuelle a réellement dynamisé les ajouts de capacité solaire et éolienne notamment. La croissance actuelle représente trois fois la croissance observée au cours de la dernière décennie.
Cependant, M. Brunetti a déclaré que la pénétration accrue des énergies renouvelables entraînera des risques de cannibalisation des revenus des centrales. Il prend notamment l’exemple de l’Espagne. S&P global y prévoit que les prix de capture solaire tomberont juste en dessous de 30 Eur/MWh en 2030, soit 75 % des prix de l’électricité de base.
Selon l’analyste, les projets éoliens offshore seront également touchés par ce phénomène :
« Sur le marché britannique, les projets éoliens captureront un pourcentage plus élevé des prix de l’électricité de base ; toutefois, le prix de capture obtenu est inférieur à celui des autres grands marchés d’ici 2050. »
Quid du nucléaire ?
Le nucléaire bénéficie d’une augmentation des investissements dans le cadre du scénario du nouveau monde. Cependant, les fermetures des réacteurs à travers l’Europe l’emportent toujours sur les ajouts jusqu’en 2050. Bruno Brunetti confirme :
« Nous constatons une certaine augmentation de l’appétit d’investissement pour les nouvelles constructions nucléaires sur des marchés tels que la France et le Royaume-Uni et les prolongations de la durée de vie sur des marchés tels que la Belgique et l’Espagne, l’Allemagne semblant rester fermement opposée aux prolongements de son parc. »
Ainsi, seul le Royaume Uni devrait voir sa capacité nucléaire augmenter d’ici 2050. La capacité nucléaire française devrait-elle chuter de 61,4 GW en 2023 à 43,8 GW en 2050.
En somme, la plupart des experts estiment qu’une sortie accélérée du gaz entraînerait un recours à l’hydrogène renouvelable. Ils estiment que l’Europe aura un besoin croissant en hydrogène dans les années à venir, en remplacement du GNL. Ce besoin devra être en grande partie satisfait via des importations provenant de l’extérieur de l’Europe.