Le nucléaire allemand pourrait, dans ce contexte de crise énergétique, permettre au pays de réduire sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures russes. De fait, la Russie continue de faire pression sur le pays via le gaz. Malgré la réticence allemande, les acteurs concernés envisagent le retour de cette ressource controversée dans le pays.
Selon les services publics allemands, les trois réacteurs nucléaires restants peuvent être utilisés jusqu’à la fin de l’année. Actuellement, les opérateurs de réseaux électriques effectuent des tests de résistance du système de transport. Ces tests servent à évaluer les risques d’une escalade de la crise dans l’approvisionnement en gaz russe, cet hiver.
Sur la base de ces résultats, le gouvernement décidera de prolonger ou non, la durée de vie des réacteurs. La menace de la fin des exportations de gaz russe fait planer un risque de récession dans le pays.
Pour rappel, le nucléaire a récemment produit 12% de l’électricité allemande, malgré la fermeture de 3 réacteurs l’année dernière.
Le potentiel du nucléaire allemand
Les opérateurs de réseaux électriques, E.ON, RWE et EnBW, exploitent un complexe nucléaire de 4.300 MW. Ce complexe se compose actuellement de trois réacteurs: Isar 2, Emsland et Neckarwestheim 2.
D’après Leonhard Birnbaum, directeur général d’E.ON, la durée de vie d’Isar 2 pourrait être prolongée de quelques mois, jusqu’en 2023. Cette prolongation implique de ne pas avoir recours à de nouvelles barres de combustible. En somme, Markus Krebber, le PDG de RWE, et le CFO d’EnBW suivent la ligne qu’E.ON. En théorie,
Les centrales nucléaires peuvent fonctionner jusqu’au début de l’année prochaine. Cependant, une utilisation prolongée sur le long terme implique de nouveaux éléments combustibles, voire la réouverture des centrales fermées en 2021. Il en revient au gouvernement allemand de décider de la position à adopter.
Par ailleurs, le nucléaire pourrait remplacer en partie les centrales au gaz (15% de la production d’électricité) et celles au charbon. Par conséquent, l’industrie pourrait bénéficier des économies de gaz faites par les 41 millions de foyers allemands.
La réticence allemande
Dans le passé, l’ancienne chancelière, Angela Merkel, a mis en place une législation pour mettre un terme à l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le pays. Ce choix s’inscrit dans une période marquée par la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.
À l’époque, la mesure de l’ancienne chancelière obtient le soutien de la majorité des électeurs. Toutefois, la situation actuelle pousse les Allemands à revoir leur position en raison des craintes de pénurie de carburant pour cet hiver. De fait, selon un récent sondage, le nucléaire est soutenu par les Allemands.
Les autorités allemandes réfléchissent à annuler ou à reporter le plan de sortie. Dans les deux cas, cela impliquerait de réorganiser le calendrier des démantèlements. De plus, il faudrait modifier les dispositions légales régissant le personnel pour permettre le retour du nucléaire.
En outre, le Parti vert, qui fait dorénavant partie de la coalition gouvernementale, s’oppose originellement au nucléaire. Issu du mouvement écologiste des années 1970, ce parti invoque les risques sécuritaires et la problématique des déchets nucléaires. La crise énergétique actuelle met le parti dos au mur.
Un contexte d’urgence
La forte réduction des flux de gaz via Nord Stream 1 pousse l’Allemagne à agir pour trouver des alternatives. Le pipeline du gazoduc utilise actuellement que 20% de sa capacité.
D’un côté, la Russie se justifie par les sanctions occidentales qui empêchent la réparation des équipements. De l’autre côté, l’Europe accuse Moscou de trouver des prétextes pour réduire les flux et faire pression via le gaz.
De plus, le Bundesnetzagentur, l’agence fédérale des réseaux, alerte sur les tensions d’approvisionnement. S’ajoute à cela, la flambée des prix du gaz qui augmente le risque de récession. Cet hiver, les Allemands craignent des problèmes pour se chauffer et faire fonctionner le secteur industriel.
À noter, de janvier à juin, l’Allemagne a réussi à réduire sa consommation de 15%. Malgré cet effort de réduction, le pays reste dépendant de la Russie.
Ainsi, l’Allemagne n’écarte pas, dans sa réflexion, le nucléaire qui n’est pas la seule alternative. Elle dispose également de sources renouvelables (solaire ou éolien) et développe fortement les terminaux de GNL pour faire face à la crise énergétique.
Illustration par Ruiyan Meng