Le Niger, à travers sa société d’État Sopamin, a officiellement exprimé son mécontentement concernant la décision d’Orano de suspendre ses activités d’extraction d’uranium dans le pays. Le groupe français, qui détient une participation majoritaire de 63,4 % dans la Somaïr, a annoncé la suspension de sa production d’uranium au 31 octobre, invoquant des contraintes financières croissantes.
La Sopamin, actionnaire minoritaire de la Somaïr, dénonce un manque de consultation et une violation des principes de gouvernance et de transparence. Dans un document daté du 31 octobre, la société nigérienne souligne que cette suspension, décidée unilatéralement par Orano, rompt les bonnes pratiques attendues entre partenaires industriels.
Les raisons de la suspension d’Orano
Orano justifie cette décision par plusieurs facteurs, notamment le retrait par la junte en juin dernier d’un permis d’exploitation pour le gisement d’Imouraren, l’un des plus importants au monde en termes de potentiel en uranium. Par ailleurs, la fermeture de la frontière entre le Niger et le Bénin complique l’exportation de l’uranium extrait, ce qui représente une contrainte majeure pour la viabilité économique des activités du groupe français dans le pays.
En réponse aux contraintes imposées par les autorités nigériennes, Orano a proposé d’acheminer l’uranium extrait vers la France ou la Namibie, deux marchés potentiels. Toutefois, selon le groupe, cette alternative n’a reçu aucune réponse de la part des autorités de Niamey, ce qui a précipité la décision de suspension des activités de la Somaïr.
Les mesures de la junte nigérienne pour maintenir l’activité
Pour pallier l’arrêt des opérations d’Orano, le Niger a annoncé son intention d’acheter 210 tonnes d’uranium, via Sopamin, dans le but de soutenir l’activité de la Somaïr. Le gouvernement nigérien affirme qu’il s’agit d’une mesure transitoire pour assurer la continuité de la production d’uranium dans le pays, malgré les blocages imposés par la suspension des exportations. En effet, 1 050 tonnes d’uranium, soit environ la moitié de la production annuelle moyenne de la Somaïr, restent actuellement en stock et sont estimées à une valeur marchande de 300 millions d’euros.
Un contexte de tension et de diversification des partenaires
Depuis le coup d’État de juillet 2023, le gouvernement militaire nigérien a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de revoir les conditions d’exploitation des ressources naturelles par les sociétés étrangères. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de revaloriser les bénéfices nationaux des richesses naturelles du pays, en particulier dans le secteur stratégique de l’uranium, dont le Niger est l’un des plus grands producteurs mondiaux.
En septembre, le Niger a fait un pas de plus en direction de l’indépendance en approuvant la création de la « Timersoi National Uranium Company » (TNUC), une nouvelle société d’État dédiée à l’exploitation de l’uranium. Cette initiative traduit une ambition de renforcer le contrôle étatique sur les ressources naturelles et pourrait annoncer un changement d’orientation stratégique dans le secteur de l’énergie nucléaire.
Le rôle historique d’Orano dans l’industrie de l’uranium au Niger
Présent au Niger depuis 1971, Orano est un acteur historique de l’extraction d’uranium dans le pays. Le groupe français a cessé ses opérations sur le site de la Compagnie des mines d’Akokan (Cominak) en 2021, laissant la Somaïr comme dernier site en activité. La relation entre Orano et le Niger reste marquée par des décennies de coopération, mais également par des tensions récurrentes autour de la répartition des bénéfices issus des ressources naturelles.
Pour Orano, la situation actuelle soulève des questions stratégiques et économiques quant à son implication future au Niger. Le blocage des exportations, associé à l’instabilité politique, pourrait amener le groupe à reconsidérer sa position dans la région, alors que la junte nigérienne explore de nouveaux partenariats avec d’autres puissances, dont la Russie et l’Iran.