Kevin Kendall arrête son véhicule dans l’unique station distribuant de l’hydrogène vert à Birmingham, au centre de l’Angleterre, et fait le plein avec ce carburant produit exclusivement à partir d’énergies renouvelables.
Ce gaz, élément le plus léger de l’univers, fait l’objet de toutes les attentions au Royaume-Uni, qui s’efforce de sécuriser ses approvisionnements en énergie depuis l’invasion russe de l’Ukraine, et face à l’urgence climatique après les records du mercure cet été.
Pourtant à la pompe, qui ressemble à s’y méprendre à celles qui distribuent de l’essence, il n’y a pas foule. L’économie de l’hydrogène reste embryonnaire, même si ses acteurs espèrent la voir s’imposer un jour dans des secteurs très polluants tels que la sidérurgie et l’aviation.
Prix du plein de la Toyota Mirai du professeur: 50 livres (environ 60 euros), moitié moins que pour un véhicule diesel de taille similaire, la faute à l’envolée des prix des hydrocarbures avec la guerre en Ukraine.
Malgré ces tarifs avantageux, le pays n’accueille qu’une douzaine environ de points de ravitaillement. “Il y a très peu d’hydrogène vert produit en Grande-Bretagne à l’heure actuelle”, explique à l’AFP M. Kendall, professeur de génie chimique, qui voudrait voir le gaz “aller de l’avant”.
Celui-ci a fondé avec sa fille Michaela une petite entreprise nommée Adelan, qui produit depuis 26 ans des piles à combustible, un dispositif qui convertit l’énergie de l’hydrogène en électricité. C’est le procédé utilisé par exemple pour propulser la voiture de M. Kendall.
Hydrogène vert, bleu, gris…
Le problème, c’est que l’hydrogène est difficile à obtenir. L’élément le plus abondant sur terre n’est pas disponible à l’état pur mais emprisonné dans l’eau et les hydrocarbures tels que le gaz naturel.
L’hydrogène vert est fabriqué par électrolyse, c’est à dire séparation de l’oxygène et hydrogène de l’eau grâce à un courant électrique, lui-même obtenu à l’aide d’énergies renouvelables.
D’autres méthodes de fabrication existent, bien plus courantes, mais elles émettent des gaz à effet de serre, comme l’hydrogène “gris”, à partir de gaz naturel, ou encore “bleu” avec la même technique assortie d’une capture d’une partie du CO2.
“Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, l’hydrogène vert est devenu de plus en plus attrayant”, car il pourrait permettre de résoudre la difficile équation entre sécurité énergétique, prix abordables et développement durable, indique à l’AFP Minh Khoi Le, responsable de recherche sur l’hydrogène chez Rystad Energy.
L’Union européenne, contrainte de réduire de 15% sa consommation de gaz pour pallier la réduction des livraisons russes, cherche par exemple aussi à augmenter de façon significative ses approvisionnements en hydrogène vert.
L’exécutif britannique, qui vise la neutralité carbone pour 2050, estime de son côté que 9 milliards de livres d’investissements seront nécessaires “pour faire de l’hydrogène la pierre angulaire” de son plan pour verdir le pays.
Dans ce cadre, dix nouvelles stations-hydrogène verront le jour à Birmingham dans les années qui viennent, après la mise en service prévue l’an prochain de 120 bus fonctionnant avec ce carburant.
“Balbutiements”
Dans l’atelier d’Adelan à Birmingham, un bâtiment de briques rouges typiquement anglais posé au milieu d’un quartier résidentiel, des employés testent les piles à combustible. Celles-ci ne sont pas destinées à des voitures mais sont conçues pour remplacer des générateurs diesel.
La directrice générale de l’entreprise, Michaela Kendall, supervise les travaux. “Il faudra du temps” pour voir le potentiel de l’hydrogène augmenter véritablement, selon elle, car ce marché “n’en est qu’à ses balbutiements”.
Elle estime que les hydrocarbures ont encore de beaux jours devant eux. D’autant que si la pile à combustible d’Adelan est conçue pour fonctionner à l’hydrogène, elle peut aussi être alimentée par des carburants à base d’hydrocarbures, davantage utilisés car “ils sont plus faciles à obtenir en ce moment”, explique Michaela Kendall. L’entreprise, précise-t-elle, se fournit
notamment en biocarburants.
La voiture du professeur Kendall ressemble à un véhicule à essence classique, avec une autonomie de quelque 650 kilomètres, mais avec une différence de taille: il n’émet que de la vapeur d’eau, fruit de la recomposition de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air, la réaction qui produit de l’électricité dans la pile à combustible.
Le Royaume-Uni a fixé à 2030 l’interdiction des ventes de nouveaux véhicules à essence et diesel dans le pays, mais faute d’infrastructures pour les véhicules à hydrogène, les voitures électriques et hybrides rechargeables tiennent le haut du pavé: elles ont représenté plus d’un nouveau véhicule neuf sur cinq vendu dans le pays sur les six premiers mois de l’année.