Le marché colombien du carbone se retrouve confronté à une forte baisse des prix, causée par une accumulation inédite de crédits issus principalement de projets de Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD+). Selon l’association professionnelle Asocarbono, le pays fait face à un surplus dépassant 60 millions de crédits carbone, créant ainsi une situation où les acheteurs imposent leurs conditions financières. Cette abondance de crédits non vendus affecte particulièrement les opérateurs économiques, tout comme les communautés rurales dépendant fortement de ces revenus pour financer leur développement.
Impact économique immédiat sur les communautés locales
Les difficultés actuelles du marché pèsent directement sur les finances des communautés rurales impliquées dans les projets carbone. Certaines initiatives, regroupant plusieurs dizaines de communautés et couvrant des centaines de milliers d’hectares, ont aujourd’hui plusieurs millions de crédits invendus en stock. L’absence de débouchés commerciaux met en danger le financement des projets locaux, menaçant leur viabilité économique à court terme. Certaines communautés pourraient même envisager de retourner vers des activités économiques alternatives, potentiellement nuisibles, comme la culture illicite de coca ou la déforestation pour générer des revenus immédiats.
Réforme fiscale et tensions réglementaires
La réforme fiscale récemment adoptée par le gouvernement colombien limite désormais à 50 % l’utilisation de crédits carbone domestiques pour compenser les obligations fiscales des entreprises locales, alors qu’auparavant, ces dernières pouvaient compenser intégralement leur taxe carbone avec ces crédits. Ce changement réglementaire a directement réduit la demande pour ces crédits, accentuant ainsi la baisse des prix. Par ailleurs, le retard accumulé dans la mise en place d’un système officiel d’échange de quotas d’émissions (Emission Trading System – ETS) maintient une incertitude réglementaire et freine les investissements dans ce secteur.
Problèmes de gouvernance et consentement communautaire
Plusieurs projets REDD+ ont été critiqués pour ne pas avoir respecté le principe de Consentement Libre, Préalable et Éclairé (CLPE) des communautés autochtones concernées. Certaines communautés rapportent avoir découvert tardivement l’existence même des projets ou encore les conditions exactes de vente des crédits associés à leurs territoires. Cette situation nourrit des inquiétudes quant à la gouvernance et à la transparence des projets de compensation carbone, réduisant la confiance générale envers ces mécanismes.
Questions autour de la transparence du marché volontaire
Des rapports internationaux ont récemment alerté sur des risques potentiels liés à la transparence financière et à l’intégrité de certains projets carbone en Colombie, notamment en Amazonie. Ces constats poussent les acteurs du secteur à réclamer des régulations plus strictes, accompagnées d’une meilleure traçabilité des flux financiers. La confiance des investisseurs est aujourd’hui étroitement liée à la capacité du marché colombien à répondre à ces préoccupations.
Émergence de nouvelles formes de valorisation écologique
Face à ces incertitudes, de nouveaux mécanismes financiers apparaissent, notamment les crédits biodiversité. Ces derniers permettent une valorisation financière de services environnementaux spécifiques, indépendamment des crédits carbone traditionnels. Plusieurs acteurs colombiens développent actuellement ce type de mécanisme pour diversifier les sources potentielles de revenus pour les communautés rurales et réduire ainsi leur dépendance au marché carbone classique.
Ces évolutions soulèvent de nouvelles interrogations pour les acteurs économiques et financiers impliqués en Colombie. La stabilisation du marché semble dépendre désormais de la capacité du pays à instaurer un cadre réglementaire clair et transparent, répondant tant aux besoins économiques qu’aux attentes des investisseurs internationaux.