Le marché amont génère de plus en plus de revenus. De fait, l’année 2022 pourrait être une année record en termes de liquidités générées. Au prix actuel du pétrole et du gaz, les cinq supermajors (Exxon, Chevron, Shell, TotalEnergies et BP) pourraient générer plus de 200 milliards de dollars.
Cela représente une augmentation de plus de 50 % par rapport au pic de 2008 et au record historique de 2021. En d’autres termes, cette somme représente trois fois la moyenne annuelle des deux premières décennies du siècle. Ainsi, les entreprises pourraient racheter la totalité de leur capital social en seulement 7 ans.
Vers une hausse des investissements
Les entreprises s’adaptent d’ores et déjà à ce contexte. La hausse des prix du gaz et du pétrole entraînera une augmentation des investissements. Nous l’avons vu, par exemple, pour Sinopec. En somme, les dépenses mondiales devraient augmenter de 20 % cette année et continueront de croître.
Habituellement, les entreprises misent sur des projets conventionnels. Les majors américaines ont augmenté leurs budgets pour le Permien de 50 % par rapport à 2021, mais ce n’est pas le cas des indépendants. L’administration Biden fait pression pour que les exploitants des États-Unis contigus relâchent la contrainte qu’ils se sont imposée afin de forer plus de puits.
La crise actuelle pourrait permettre une plus grande exposition au gaz. La politique européenne, visant à réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe, est un signal positif pour les autres fournisseurs de GNL comme les États-Unis ou le Qatar. En outre, c’est également une opportunité pour les exploitants d’oléoducs en Azerbaïdjan, ou en Méditerranée orientale.
Eni, la semaine dernière, a déclaré vouloir accélérer les ventes de gaz en Europe. Elle souhaite profiter des 14 trillions de pieds cubes de gaz de fonds propres et de tiers dans son portefeuille. De même, Shell a réévalué son champ gazier de Jackdaw, au Royaume-Uni.
Les flux excédentaires de trésorerie seront également pour accélérer les près vers l’objectif de « net zéro ». Cependant, Wood Mackenzie ne prévoit pas de changements substantiels quant aux stratégies d’entreprises. La transition énergétique est en cours mais le gaz et le pétrole constitueront tout de même une part importante du mix énergétique dans les années à venir.
Les impacts du contexte géopolitique
La guerre en Ukraine débouche sur une réévaluation du risque et des critères ESG. De plus, le conflit déclenche une réévaluation de concentration de la valeur des actifs ou des personnels dans les pays à haut risque géopolitique.
Par ailleurs, les entreprises doivent réduire leur exposition au marché amont en prévision d’une baisse de la demande liée à la transition. En effet, les actifs plus coûteux et à forte intensité de carbone deviendront des passifs. Il est alors préférable de s’en débarrasser lorsque les financements sont plus faciles à trouver.
Face au contexte géopolitique actuel, la sécurité énergétique et le caractère abordable de l’énergie sont devenus des priorités. Tous les gouvernements veulent réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés et la volatilité des prix intrinsèque.
Les décideurs politiques encouragent alors l’offre d’énergie produite localement. Ainsi, les énergies renouvelables sont une priorité pour les pays disposant de ressources solaires ou éoliennes.
Les supermajors ont déjà mis en place des plans ambitieux pour développer les énergies renouvelables. En effet, elles doublent les dépenses prévues au cours des deux dernières années. Selon les chiffres actuels, elles devraient investir plus de 25 milliards de dollars par an d’ici la fin de la décennie.
Si les prix du pétrole et du gaz restent élevés, les flux de trésorerie pourraient permettre un nouveau doublement de ce budget. Les dépenses annuelles pour les énergies nouvelles pourraient alors dépasser les investissent dans le marché amont d’ici 2030.
Des pièges à éviter
Wood Mackenzie met cependant en garde sur certains pièges à éviter. De nombreux facteurs sont susceptibles d’éroder ces projections. Citons, par exemple, l’inflation des coûts, la mise en place d’impôts exceptionnels ou encore la baisse des prix du pétrole et du gaz.
Les supermajors ont su améliorer la perception des investisseurs en renforçant leur résilience financière. Ce renforcement est permis grâce à une rationalisation active du portefeuille, une réduction des coûts ou encore en développant un plan d’action pour la décarbonisation. Ainsi, selon Wood Mackenzie, ces entreprises peuvent couvrir les dividendes jusqu’à un prix du Brent de 40 $ par baril, voire moins pour certaines.
Il est important de souligner que la confiance des investisseurs dans le secteur est fragile. Celle-ci s’évanouira rapidement si les entreprises perdent cette discipline et tombe dans le piège des cycles haussiers passés.