Le Liban et Israël, pays voisins officiellement en état de guerre, signent jeudi un accord délimitant leur frontière maritime après des mois de négociations ardues par l’entremise des Etats-Unis, qui assure la répartition de précieux gisements gaziers offshore en Méditerranée orientale.
L’accord frontalier constitue une “reconnaissance” de fait de l’Etat hébreu par Beyrouth, a affirmé le Premier ministre israélien Yaïr Lapid au début d’un Conseil des ministres qui a officiellement entériné le texte.
“Il s’agit d’un accomplissement politique, ce n’est pas tous les jours qu’un Etat ennemi reconnaît l’Etat d’Israël dans un accord écrit et ce, devant l’ensemble de la communauté internationale”, a-t-il ajouté.
Le président américain Joe Biden s’est félicité mercredi de la signature imminente de cet accord “historique”, soulignant qu’il “avait fallu beaucoup de courage pour s’y engager et le faire”.
L’accord doit être signé dans l’après-midi, en présence du médiateur américain Amos Hochstein et de la coordinatrice spéciale de l’ONU au Liban Joanna Wronecka.
Beyrouth a tenu à ce que sa délégation n’ait aucun contact officiel avec celle de l’Etat hébreu au cours de la signature, exigeant que la cérémonie se tienne dans deux salles séparées au siège de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), dans la localité frontalière libanaise de Naqoura.
Pour le Liban, englué dans une profonde crise économique, cet accord intervient à quelques jours de la fin du mandat du président Michel Aoun, sans qu’un successeur lui soit trouvé, et pour Israël peu avant les élections législatives du 1er novembre.
“L’accord sur la frontière maritime prendra la forme de deux échanges de lettres, l’un entre le Liban et les Etats-Unis et l’autre entre Israël et les Etats-Unis”, a expliqué le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stephane Dujarric.
La délégation libanaise aura pour unique mission de “remettre la lettre en présence d’Amos Hochstein et de la représentante de l’ONU, et ne rencontrera en aucune manière la délégation israélienne”, a souligné de son côté le porte-parole de la présidence libanaise Rafic Chelala.
– “Eliminer une guerre” –
L’accord, qui va permettre aux deux pays d’exploiter des gisements gaziers en Méditerranée orientale, a été conclu grâce à des années de médiation américaine.
En vertu de l’accord, le champ offshore de Karish se situe entièrement dans les eaux israéliennes.
Le Liban pour sa part aura tous les droits d’exploration et d’exploitation du champ de Cana, situé plus au nord-est, dont une partie se situe dans les eaux territoriales d’Israël. Mais “Israël sera rémunéré” par la firme exploitant Cana “pour ses droits sur d’éventuels gisements”, selon le texte.
Amos Hochstein, qui a négocié cet accord, s’est félicité devant la presse d’un “jour historique” et estimé que l’accord permettait de “créer de l’espoir et des opportunités économiques” et d’instaurer “la stabilité” pour les deux parties.
Il s’est déclaré convaincu que l’accord pourrait constituer “un tournant économique” pour le Liban, et ouvrir “une nouvelle ère d’investissements” qui pourrait relancer l’économie.
Le médiateur, qui a rencontré mercredi le président Aoun, s’est également entretenu avec les deux autres pôles du pouvoir, le Premier ministre Najib Mikati et le président du Parlement, Nabih Berri, avant de se rendre à Naqoura puis en Israël.
Sans même attendre la signature, le groupe énergétique Energean a lancé mercredi la production de gaz naturel sur le gisement de Karish.
Le gouvernement israélien avait donné la veille à cette société le feu vert définitif pour entamer la production sur ce gisement.
Le Liban a de son côté demandé à TotalEnergies d’entamer rapidement les travaux de prospection dans le champ de Cana.
“Le but de l’accord (…) est d’éliminer au maximum la possibilité d’une guerre maritime entre Israël et le Liban”, avait déclaré mercredi l’ancien négociateur américain Frédéric Hof.
L’accord n’aurait pas pu être signé sans l’assentiment du puissant Hezbollah pro-iranien au Liban, qui avait menacé au cours de l’été d’attaquer Israël si l’Etat hébreu entamait l’extraction du gaz du champ de Karish avant la conclusion d’un accord.