La construction de la centrale hydroélectrique de Kambar-Ata-1, située sur la rivière Naryn au Kirghizstan, marque un tournant dans la coopération régionale en Asie centrale. Porté par le Kirghizstan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, ce projet vise à renforcer la sécurité énergétique et hydrique d’une région confrontée à des pénuries croissantes. Contrairement aux précédentes initiatives énergétiques, cette relance se fait sans l’implication directe de la Russie et de la Chine, deux acteurs majeurs habituellement présents dans le secteur.
Un projet stratégique pour la région
Pensé à l’époque soviétique, Kambar-Ata-1 avait été mis en suspens après la chute de l’URSS, en raison d’une instabilité économique et de tensions politiques entre les pays riverains. La rareté croissante des ressources en eau et en énergie a conduit les gouvernements de la région à relancer le projet, devenu une priorité stratégique. Selon le ministre kirghiz de l’Énergie, Taalaïbek Ibraev, la centrale est essentielle pour stabiliser l’approvisionnement électrique et soutenir l’agriculture, fortement dépendante de la gestion des cours d’eau.
D’une capacité de production estimée à 5,6 milliards de kilowatt-heures par an, Kambar-Ata-1 doit répondre aux besoins internes du Kirghizstan tout en facilitant l’exportation d’électricité vers les pays voisins, y compris l’Afghanistan et le Pakistan. L’Ouzbékistan et le Kazakhstan, situés en aval, comptent sur ce barrage pour assurer une distribution plus prévisible de l’eau en période estivale, un enjeu crucial pour leurs productions agricoles.
Un financement international encore incertain
Le coût du projet est estimé à 3,5 milliards de dollars. Pour assurer la réalisation des travaux, qui doivent débuter en 2025, le Kirghizstan cherche à attirer des investisseurs internationaux. La Banque eurasiatique de développement souligne l’importance de moderniser et d’augmenter la capacité hydroélectrique de la région afin de faire face aux défis énergétiques et climatiques à long terme.
Cependant, les difficultés financières et les risques politiques freinent les engagements internationaux. Les infrastructures hydroélectriques existantes, comme la centrale de Toktogoul, qui fournit 40 % de l’électricité kirghize, souffrent d’un manque d’investissements et de tarifs d’électricité subventionnés, ce qui rend le secteur peu rentable.
Un défi économique et énergétique
Le gouvernement kirghiz espère que Kambar-Ata-1 apportera une solution à la crise énergétique du pays en augmentant la production et en stabilisant le réseau électrique. Toutefois, le secteur reste structurellement déficitaire. Le ministre kirghiz de l’Énergie a récemment souligné que les prix de vente actuels de l’électricité ne couvrent pas les coûts de production, mettant en péril l’avenir énergétique du pays.
Malgré ces incertitudes, la mise en œuvre du projet est perçue comme une étape clé vers une meilleure intégration énergétique et hydrique en Asie centrale. La réussite de Kambar-Ata-1 dépendra de la capacité des trois pays à mobiliser les fonds nécessaires et à garantir une gestion concertée des ressources en eau.