Le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie a annoncé une nouvelle initiative pour faciliter l’accès au financement public dans le secteur nucléaire, avec des prêts d’État couvrant jusqu’à 30 % du total des besoins pour des projets à long terme. Cette mesure vise à stimuler la relance d’un secteur largement paralysé depuis la catastrophe de Fukushima.
Depuis 2011, sur les 54 réacteurs nucléaires que comptait le Japon, seuls 14 sur 33 techniquement disponibles ont été remis en service. La complexité des nouvelles normes de sécurité et l’opposition locale freinent les redémarrages, mais plusieurs signaux montrent une reprise progressive de l’activité. La préfecture de Niigata doit notamment voter prochainement la relance de deux réacteurs sur les sept du site de Kashiwazaki-Kariwa, le plus grand complexe nucléaire au monde.
Un appui financier structurant pour les opérateurs
Le nouveau système proposé s’ajoute au mécanisme existant de soutien à la décarbonation, qui permettait uniquement une récupération partielle des investissements. Selon un groupe de travail ministériel, cette aide pourrait être étendue à plus de 30 % pour les projets de grande envergure. Le financement public devrait ainsi soutenir les opérateurs dans la modernisation des systèmes de sécurité ou la construction de nouveaux réacteurs.
Les besoins sont importants. Le Japon ambitionne de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 20 % d’ici 2040, contre environ 10 % actuellement. Pour atteindre cet objectif, entre 15 et 16 réacteurs supplémentaires doivent être redémarrés. Cette montée en puissance est jugée nécessaire pour répondre à une hausse prévue de 6 % de la demande d’électricité, alimentée notamment par les centres de données liés à l’intelligence artificielle.
Un contexte porteur malgré les contraintes
Le Premier ministre Sanae Takaichi soutient activement le développement nucléaire, dans l’objectif de réduire la dépendance aux importations de combustibles fossiles, qui assurent encore 60 à 70 % de la production d’électricité du pays. La lente progression du parc éolien offshore, les impératifs de sécurité énergétique et les engagements climatiques renforcent également la pression en faveur du nucléaire.
Selon les estimations de l’Association nucléaire mondiale, une remise en service nécessite entre $700mn et $1bn par réacteur, des coûts potentiellement plus élevés en raison des normes parasismiques japonaises. Ces coûts pourraient nécessiter un soutien public entre 30 % et 50 % pour assurer leur viabilité économique.
Des réacteurs à remplacer et de nouveaux projets à financer
D’ici 2050, environ 14 gigawatts (GW) de capacité nucléaire atteindront leur limite d’exploitation fixée à 60 ans, ce qui rend indispensable le développement de réacteurs de nouvelle génération. Actuellement, seule Kansai Electric Power Co a annoncé un projet de nouveau réacteur, dont le financement reposera sur des obligations, des prêts et d’autres instruments financiers.
La construction d’un réacteur nucléaire de 1 GW au Japon est estimée à environ $7bn. Selon Wood Mackenzie, ces projets cherchent à financer entre 50 % et 80 % de leur coût par la dette. Le président du Forum industriel atomique japonais, Hideki Masui, a rappelé qu’un projet nucléaire met jusqu’à 20 ans à être achevé, sans générer de revenus pendant cette période.
Parmi les relances attendues, deux réacteurs de 1,36 GW du site de Kashiwazaki-Kariwa devraient être remis en service respectivement en 2026 et vers 2030. La centrale Tomari-3 d’Hokkaido Electric Power Co a également obtenu l’autorisation du gouverneur pour redémarrer. D’autres unités exploitées par Chubu Electric Power Co, Tohoku Electric Power Co et Hokuriku Electric Power Co attendent encore une décision des autorités de régulation.