Les multinationales du pétrole et du gaz disent vouloir réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique. Or, leur communication est souvent trompeuse. De plus, en diffusant leurs discours publicitaires sur les réseaux sociaux, les chercheurs estiment qu’elles perpétuent ce “greenwashing” en ligne.
Des stratégies de communication trompeuses
De nombreuses entreprises ont promis d’atteindre le “zéro émission nette” de gaz à effet de serre (GES), ambition indispensable au maintien du réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à la fin du 19e siècle, le but le plus ambitieux de l’accord de Paris sur le climat.
En parallèle, comme le soulignent des chercheurs, ces mêmes compagnies mènent des stratégies d’influence et de communication visant à exploiter toujours plus d’énergies fossiles, pourtant responsables du réchauffement de la planète. Experts et militants dénoncent un important décalage entre des discours publicitaires “verts” et des actions qui ne les suivent pas toujours, ou vont même dans le sens inverse de la réduction des émissions.
Dans une étude publiée par le journal PLOS One, des scientifiques ont ainsi analysé l’écart entre les paroles et les actes de quatre géants de l’industrie pétrolière : BP, Shell, ExxonMobil et Chevron. Les “promesses” dominent les stratégies “vertes” de ces derniers, aux dépens des “actions concrètes”, conclut l’étude dont l’autrice principale est Mei Li de l’université Tohoku au Japon.
“Tant que les actions et les comportements d’investissement ne seront pas alignés sur le discours, les accusations de greenwashing semblent fondées.”
Naviguer sur les pages Facebook de ces grands groupes et sur la bibliothèque publicitaire Ad Library de la plateforme permet de pointer les incohérences: d’un côté, des publications vantent les investissements “verts”, de l’autre, des publicités poussent les consommateurs à “faire le plein” ou à gagner “un an de carburant“.
Contactées par l’AFP, les multinationales ont assuré mener des projets de développement d’énergies bas carbone et de technologies embryonnaires tel que le captage et le stockage de CO2 (dioxyde de carbone).
Confronter les promesses
Selon les associations de protection de la planète, les entreprises pétrolières cherchent à dissimuler leur impact négatif sur le climat en communiquant massivement sur leurs gestes, plus ou moins limités, en faveur de l’environnement.
Ainsi, le siteEco-Bot.neta identifié des posts qui “révèle de manière sélective les références de l’entreprise ou présente des actions symboliques pour construire une image de marque sympathique”.
Il a par exemple recensé des publications sur la protection des vers à soie (Cemex, entreprise de ciment mexicaine), des grenouilles (TransCanada, firme de gaz canadienne), des opossums (Eletronuclear, filiale de la société électrique brésilienne Eletrobras), et des forêts (diverses sociétés, dont la société pétrolière espagnole Repsol).
Interrogée par l’AFP, la spécialiste américaine du greenwashing Genevieve Guenther estime qu’il est nécessaire de confronter les promesses de ces groupes à deux indicateurs clés: l’objectif zéro émission nette de carbone d’ici à 2050 et la feuille de route mondiale pour la décarbonation du secteur de l’énergie de l’International Energy Agency (IEA).
Pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, ce document indique qu’il faut “stopper les investissements dans les énergies fossiles” dès maintenant. Les firmes qui continuent à s’engager dans ces projets, tout en communiquant sur leurs objectifs zéro émission, peuvent être légitimement accusées de greenwashing, estime la chercheuse.
Retarder les mesures gouvernementales
Le groupe de recherche InfluenceMap a analysé des milliers de documents pour “dresser un tableau détaillé de la manière dont les grandes entreprises et les groupes industriels disent s’engager en faveur du climat, et savoir comment ils tentent d’influencer le débat”, a déclaré la responsable du programme, Faye Holder.
D’après son analyse, les cinq plus grandes sociétés pétrolières et gazières cotées en Bourse ont dépensé un milliard de dollars sur trois ans pour diffuser, sur Facebook, des messages trompeurs sur le climat.
Cette somme reste peu élevée, comparée aux milliards de revenus des géants de la tech et de l’industrie pétrolière. Mais propager des messages sur les réseaux sociaux a un impact considérable, affirme Melissa Aronczyk, professeure associée en communication à l’Université Rutger et coautrice de plusieurs études sur le sujet.
“Il est très facile et peu coûteux de produire des publicités et des campagnes pour les réseaux sociaux qui peuvent avoir un effet massif”, a-t-elle expliqué à l’AFP.