Le gaz russe pourrait être payé par les acheteurs européens de gaz selon les termes du nouveau décret de Moscou sur la conversion du rouble sans enfreindre la législation européenne, estime la Commission européenne (CE). Les entreprises européennes devraient payer en euros ou en dollars, convertis plus tard en monnaie russe.
Le Gaz russe payé en rouble ?
Le 31 mars, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret obligeant les acheteurs de l’UE à payer en roubles le gaz russe par l’intermédiaire d’un nouveau mécanisme de conversion monétaire. En cas de refus, les Européens pourraient voir leurs approvisionnements suspendus.
Néanmoins, la CE estime qu’il « semble possible » de payer le gaz russe après l’adoption du nouveau décret sans être en conflit avec le droit européen.
C’est ce qu’elle souligne dans un document d’orientation envoyé aux États membres le 21 avril :
« Les entreprises de l’Union européenne (UE) peuvent demander à leurs homologues russes de remplir leurs obligations contractuelles de la même manière qu’avant l’adoption du décret, c’est-à-dire en déposant le montant dû en euros ou en dollars. »
D’ailleurs, en mars, la Russie a proposé un décret proposant aux acheteurs d’énergie d’ouvrir des comptes à la Gazprombank. Cette action servira à effectuer les paiements en euros ou dollars, convertis par la suite en roubles.
Toutefois, l’UE souhaite honorer les contrats d’approvisionnement existants. C’est ce qu’indique un porte-parole de la CE à S&P Global le 22 avril :
« 97 % des contrats concernés stipulent explicitement le paiement en euros ou en dollars. Les entreprises disposant de tels contrats ne doivent pas accéder aux demandes russes. »
Il ajoute :
« L’UE continuera à répondre de manière unie à cette dernière tentative de la Russie de contourner nos sanctions. »
Le décret russe modifie le cadre juridique
Dans son document d’orientation, la CE déclare que le décret ajoute de nouvelles obligations pour chaque entreprise de l’UE. Par conséquent, cela « modifie substantiellement » le cadre juridique pour l’exécution des contrats de fourniture conclus entre les fournisseurs de gaz russes et les entreprises de l’UE.
Par ailleurs, une condition empêche les entreprises de l’UE de se conformer légalement aux mesures d’application du décret russe. Il ne faut pas entrer en contradiction avec les obligations énoncées dans les sanctions de l’UE contre Moscou.
Le document d’orientation de la CE précise que :
« Le décret introduit une nouvelle procédure de paiement, selon laquelle le dépôt d’euros ou de dollars sur le compte du fournisseur n’est plus considéré comme l’exécution des obligations contractuelles. »
Il ajoute :
« Au lieu de cela, les euros ou les dollars reçus par les entreprises de l’UE doivent être convertis en roubles en vertu du décret, et les entreprises de l’UE sont considérées comme ayant rempli leurs obligations contractuelles que lorsque le processus de conversion a été mené à bien et que le paiement a été effectué en roubles. »
Un processus entre les mains des autorités russes
Selon la Commission, ce système permettrait à Moscou d’impliquer la Banque centrale russe. Cette dernière s’engagerait dans un certain nombre de transactions liées à la gestion des actifs et des réserves de la Banque centrale interdites par les sanctions de l’UE.
Toujours selon le document d’orientation, la CE considère potentiellement les paiements du gaz russe comme des prêts :
« Comme le processus de conversion peut prendre un temps indéfini, pendant lequel les devises étrangères sont entièrement entre les mains des autorités russes, y compris la Banque centrale, il peut même être considéré comme un prêt accordé par des entreprises de l’UE. »
Il existe des options pour rester dans la légalité
La CE indique dans son document que :
« Les entreprises de l’UE peuvent demander à leurs homologues russes de remplir leurs obligations contractuelles de la même manière qu’avant l’adoption du décret, c’est-à-dire en déposant le montant dû en euros ou en dollars. »
Cependant, le décret n’est pas clair sur la possibilité d’obtenir des exemptions.
Avant d’effectuer des paiements, les opérateurs de l’UE pourraient également déclarer clairement qu’ils considèrent que leurs obligations contractuelles soient remplies lorsqu’ils déposent des euros ou des dollars auprès de Gazprombank et non plus tard, après la conversion du paiement en roubles.
Le document précise :
« Il serait souhaitable de demander à la partie russe de confirmer que cette procédure est possible en vertu des règles du décret. »
L’avis de la CE n’est pas juridiquement contraignant. Il constitue cependant une tentative d’orienter le débat pendant que les États membres cherchent à déterminer comment continuer à payer le gaz russe.
Néanmoins, au-delà des interdictions de refinancement relatives à la banque, les sanctions européennes n’interdisent pas l’engagement avec Gazprom ou Gazprombank.
De la même manière, elles n’empêchent pas l’ouverture d’un compte auprès de Gazprombank. Toutefois, un tel engagement ou compte ne doit pas conduire à la violation d’autres interdictions.
Ce nouveau cadre juridique sur le gaz russe met en péril la sécurité des approvisionnements énergétiques dans l’UE. Les institutions européennes ont entamé des discussions afin de diminuer la dépendance envers la Russie.