Le désalignement des politiques de sanction entre les États-Unis et l’Union européenne sur les exportations de pétrole russe à destination de l’Inde entraîne des perturbations sur le marché. Selon des sources proches des plans de chargement, les volumes de brut russe expédiés vers l’Inde devraient connaître un recul en octobre, après deux mois de flux soutenus.
Pression tarifaire américaine et incertitudes réglementaires
Les États-Unis, l’Union européenne et les autres membres du Groupe des Sept (G7) ont mis en place un mécanisme de plafonnement des prix pour encadrer les ventes de pétrole russe, autorisant l’accès aux services maritimes occidentaux uniquement pour des transactions en dessous d’un certain seuil. Toutefois, l’administration du président Donald Trump a abandonné ce consensus, exigeant de l’Inde qu’elle cesse ses achats de brut russe. En réponse au refus de New Delhi, Washington a imposé des droits de douane allant jusqu’à 50 % sur les exportations indiennes vers les États-Unis.
Ce durcissement place les importateurs indiens dans une position délicate, confrontés à des sanctions divergentes et à une hausse des coûts logistiques. Alors que la stratégie européenne vise à maintenir les flux à prix réduit, l’approche américaine privilégie une pression maximale pour limiter les revenus pétroliers russes.
Rabais exigés, volumes redirigés
Face à l’augmentation des risques, les raffineurs indiens demandent désormais des rabais plus importants pour compenser le durcissement réglementaire. Quatre négociants impliqués dans les ventes ont indiqué que les acheteurs indiens réclament un écart d’environ 10 $ par baril par rapport au Brent pour rester en conformité avec les plafonds autorisés. En septembre, ces remises n’étaient que de 2 à 3 $ par baril.
Certains vendeurs russes jugent ces exigences excessives et envisagent de détourner leurs cargaisons vers la Chine, selon deux sources commerciales. Cette redirection devrait entraîner une baisse modérée des expéditions vers l’Inde.
Limite du plafonnement et désengagement occidental
Les livraisons prévues de pétrole russe vers l’Inde devraient s’établir autour de 1,4 million de barils par jour en octobre, contre 1,6 million en septembre. Ce recul intervient alors que l’Union européenne a abaissé le plafond autorisé à 47,60 $ par baril depuis octobre. Ce nouveau seuil conditionne l’accès aux services de transport et d’assurance occidentaux. Les États-Unis n’ont pas soutenu cette révision, accentuant le clivage réglementaire entre les alliés.
Les acteurs du marché estiment que le brut russe sera vendu au-dessus du plafond dans la majorité des cas, même en tenant compte des rabais. Le porte-parole de la Commission européenne a indiqué que l’objectif restait d’unifier la position des membres du G7 autour de ce nouveau seuil, alors que les transporteurs européens continuent de jouer un rôle central dans les expéditions.
Contournement du plafonnement et faiblesse du contrôle
En réponse à l’intensification des contraintes réglementaires, les exportateurs russes s’appuient de plus en plus sur une flotte de navires dite « fantôme », opérant en dehors du champ de supervision des services occidentaux. Cette flotte, assurée par des entités russes, permet de poursuivre les exportations sans se soumettre aux conditions du plafonnement.
Selon des sources du secteur et des analystes, la majorité du brut russe est vendue au-dessus des seuils réglementaires depuis 2022, notamment grâce à l’usage de navires indépendants ou de documents falsifiés. L’absence de contrôle rigoureux sur le respect des plafonds pousse certains opérateurs à ignorer les règles, estimant que le risque de sanction reste limité.